PAUL BIYA, CANDIDAT POUR UN 8e MANDAT EN 2025 : UNE CANDIDATURE DE TROP !

En annonçant officiellement sa candidature pour l’élection présidentielle du 12 octobre 2025, Paul Biya, 93 ans et au pouvoir depuis 1982, défie à nouveau le temps, la logique démocratique et l’exaspération croissante d’une population en quête de renouveau. En se présentant pour un 8e mandat, il remet en question les attentes d’un peuple désireux de changement. Son maintien au pouvoir, après plus de quatre décennies, suscite une exaspération grandissante et soulève des interrogations sur la légitimité d’un régime qui semble incapable de répondre aux défis contemporains. Dans un contexte de crise sociale, économique et politique de plus en plus délétère, cette déclaration est perçue par beaucoup comme un aveu d’impuissance à préparer une véritable alternance et un affront aux aspirations de toute une génération. Cette candidature apparaît donc comme une provocation et un symptôme d’un système verrouillé, déconnecté des besoins d’une jeunesse en quête de renouveau.
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La candidature de trop dans un pays à bout de souffle. Dans un contexte marqué par une fatigue institutionnelle, une jeunesse en perte de repères et un climat social délétère, l’annonce de la candidature de Paul Biya à l’élection présidentielle de 2025 résonne comme une provocation. À 91 ans et après plus de 42 ans de règne sans partage, le chef de l’État camerounais choisit, une fois de plus, de se maintenir au pouvoir. Un geste qui, loin de rassurer, accentue le sentiment d’étouffement démocratique ressenti par une grande partie des citoyens. Ce retour annoncé n’est ni porteur d’espoir ni de renouveau : il cristallise plutôt l’immobilisme d’un régime incapable de penser l’après-Biya et sourd aux aspirations profondes du peuple. Paul Biya est donc candidat. Encore. Celui qui cumule déjà plus de 42 années de règne, et qui incarne une longévité monarchique dans un système officiellement républicain, entend poursuivre son exercice du pouvoir. Ce choix, loin d’être anodin, plonge le pays dans une forme de stagnation institutionnelle, nourrie par l’absence de transition politique et l’instrumentalisation des mécanismes électoraux. Loin d’un message d’unité ou de renouveau, l’annonce de sa candidature résonne comme un déni de réalité : celle d’un pays où le chômage des jeunes explose, où les infrastructures s’effondrent, où les libertés se rétrécissent à mesure que les critiques se multiplient. Son appel à la solidarité nationale ressemble davantage à un slogan creux qu’à une promesse concrète de réforme.

Le président évoque les défis à relever. Mais qui, sinon son propre régime, a contribué à les fabriquer ? Les tensions dans les régions anglophones, la mauvaise gouvernance, la corruption endémique, la centralisation autoritaire et le recul démocratique sont autant de plaies encore ouvertes sous son magistère. Cette candidature en 2025 ne porte pas seulement le poids de la longévité. Elle révèle surtout l’incapacité du RDPC à penser l’après-Biya, et une culture politique du pouvoir captif, concentré entre les mains d’un homme et d’un cercle d’initiés, sourds à la demande de changement exprimée par une grande majorité de Camerounais. Un pouvoir déconnecté, sourd aux signaux du réel. La candidature de Paul Biya en 2025, plus qu’un simple acte politique, est le symptôme d’un système verrouillé, usé, incapable de se réformer ou de s’ouvrir. En décidant de se représenter à 93 ans, malgré une lassitude générale, des tensions internes au sein de son propre parti et une jeunesse désabusée, le chef de l’État expose au grand jour l’impasse démocratique dans laquelle le Cameroun est plongé. Les arguments avancés pour justifier cette nouvelle candidature sagesse, expérience, stabilité ne tiennent plus face aux réalités que vivent les Camerounais au quotidien. Sous sa gouvernance, le pays a connu une détérioration progressive du tissu social : les hôpitaux manquent de matériel de base, le système éducatif est à bout de souffle, et la jeunesse, pourtant majoritaire, est marginalisée, poussée vers l’exil ou la débrouillardise. Comment un pouvoir qui n’a pas su répondre aux besoins fondamentaux d’un peuple peut-il encore légitimement prétendre le guider ?

Sur le plan sécuritaire, les échecs sont patents. La crise dans les régions anglophones, loin d’être résolue, s’est enlisée dans une guerre meurtrière, fruit d’un refus obstiné du dialogue et d’une approche militariste inefficace. Près de deux décennies après son déclenchement, aucune perspective de sortie de crise crédible n’est proposée, avec un “grand dialogue national” qui a amplifié les tensions plutôt que de les résoudre. Ce mutisme ou ce mépris de l’écoute participative devient insupportable dans un État qui se veut républicain. Politiquement, la mascarade électorale se profile. Depuis des décennies, les scrutins camerounais sont marqués par des soupçons massifs de fraudes, d’achat de consciences, d’abus d’appareils d’État et de marginalisation des opposants. Les institutions censées garantir l’équité ELECAM, Conseil constitutionnel sont entièrement aux ordres. Ce n’est pas une élection qui se profile en 2025, mais une formalité de reconduction, orchestrée par un système dont les règles sont verrouillées à l’avantage exclusif du pouvoir en place.

La longévité de Paul Biya, érigée en fierté par ses partisans, est devenue un fardeau pour l’évolution du pays. Aucun projet de transmission pacifique n’a été préparé. Le RDPC, au lieu de faire émerger de nouvelles figures, s’est figé dans un culte de la personnalité où toute critique est étouffée. À l’international, le Cameroun est aujourd’hui perçu comme un État à la dérive, dirigé à distance, sans vision, ni ambition. Le bilan des infrastructures au Cameroun reste globalement négatif malgré des décennies de promesses politiques et de projets annoncés en grande pompe. Dans plusieurs secteurs clés, les retards, les malfaçons, le manque d’entretien, les détournements de fonds et l’absence de vision stratégique ont fortement compromis le développement durable du pays. Le réseau routier reste largement vétuste et insuffisant. Les routes bitumées ne couvrent qu’une infime partie du territoire, et même celles censées être “modernes” sont rapidement dégradées. L’axe Yaoundé-Douala, pourtant vital pour l’économie, demeure un calvaire quotidien, truffé de nids-de-poule et d’embouteillages chroniques. Les zones rurales, quant à elles, restent enclavées, freinant l’accès aux marchés, aux soins et à l’éducation.

Les hôpitaux publics sont sous-équipés, surpeuplés, et souffrent d’un manque criant de maintenance. Des structures comme l’Hôpital Central ou l’Hôpital Général de Yaoundé manquent régulièrement de matériel, de personnel et de médicaments. Les infrastructures promises pour renforcer le système de santé, notamment lors de la crise COVID, n’ont pas toujours vu le jour ou sont tombées en ruine après quelques mois. Malgré les stades construits pour la CAN, leur gestion reste problématique. L’entretien est défaillant, certains stades sont sous-utilisés, et les coûts de construction parfois jugés excessifs soulèvent des interrogations sur la transparence dans l’attribution des marchés. Les écoles publiques sont surpeuplées, souvent construites en matériaux précaires. L’absence de bancs, de toilettes et d’électricité dans plusieurs établissements témoigne du manque de volonté d’investir dans un système éducatif digne. L’accès à l’eau potable reste inégal, même dans les grandes villes. Les coupures d’électricité sont monnaie courante. Les logements sociaux promis sont insuffisants, mal situés ou hors de portée des populations modestes. Le Cameroun souffre d’un déficit criant d’infrastructures de base, résultat d’une mauvaise gouvernance chronique, d’un manque de planification, d’un pilotage centralisé inefficace et de la politisation des projets. Le pays est encore loin de répondre aux besoins élémentaires de ses citoyens. La résilience du peuple camerounais est admirable, mais elle ne peut indéfiniment masquer la faillite d’un système. Les nouvelles générations ne croient plus aux promesses recyclées. Elles demandent des institutions fortes, une justice impartiale, une gouvernance responsable, des emplois, une éducation de qualité et une santé accessible. Rien de tout cela ne peut émerger dans un régime figé, où l’alternance est bannie et le débat politique confisqué.

L’une des critiques les plus récurrentes et légitimes adressées au régime de Paul Biya concerne également son absence prolongée et répétée de la scène nationale. En effet, pour un chef d’État censé incarner la stabilité, la proximité avec son peuple et la gouvernance active, Paul Biya est paradoxalement l’un des présidents les plus effacés du continent, voire du monde. Les Camerounais ne le voient que quatre fois par an à travers des discours préenregistrés : le 10 février pour la jeunesse, le 20 mai pour la fête nationale, le 31 décembre pour les vœux de fin d’année, et en janvier pour la présentation des vœux. Ces rares apparitions, souvent sans interaction directe, illustrent une rupture flagrante entre le pouvoir exécutif et le peuple. Le président est devenu une figure lointaine, inaccessible, presque mystique, dont les apparitions sont scrutées comme des événements rares.

Cette absence physique et politique est perçue comme un abandon de poste, surtout dans un contexte où le Cameroun traverse des crises graves : insécurité dans les régions anglophones, hausse du coût de la vie, chômage, dégradation des services publics… Face à ces défis, le silence du président est vécu comme un mépris ou une indifférence envers les souffrances des populations. Pire encore, cette posture favorise l’opacité du pouvoir, alimente les luttes de clans et laisse place à une gouvernance de substitution menée par des proches ou des réseaux informels, sans légitimité directe. L’image du chef d’État absent contraste avec les exigences modernes de leadership : réactif, proche, à l’écoute, transparent. L’absence récurrente de Paul Biya symbolise l’épuisement d’un régime vieillissant, déconnecté des réalités du peuple, et dont la présence au sommet de l’État se limite à la forme, sans répondre aux urgences du fond. Un indicateur fort du déclin d’un pouvoir en fin de cycle. Paul Biya ne propose plus rien. Il se propose lui-même, encore. Et c’est bien là tout le problème. En se représentant en 2025, Paul Biya n’offre pas un avenir au Cameroun. Il impose la continuité d’un système figé, déconnecté des réalités du peuple et des exigences du 21e siècle. Ce choix, loin de rassembler, risque de fracturer davantage une nation déjà sous tension. L’histoire retiendra que dans un moment crucial, face à l’opportunité de léguer enfin un héritage démocratique, Paul Biya aura préféré s’accrocher à son trône.

Triste constat. Depuis plusieurs années, le Cameroun est dirigé par procuration, sous le sceau des fameuses « hautes instructions » du chef de l’État, transmises par le biais du Secrétaire Général à la Présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh. Cette pratique, bien que conforme à la logique bureaucratique du régime Biya, pose de graves problèmes démocratiques, institutionnels et même constitutionnels. Derrière cette délégation de signature jamais officiellement clarifiée dans ses contours se cache une réalité troublante : le président Paul Biya ne gouverne plus directement. Ce sont les « hautes instructions » transmises par son émissaire de l’ombre qui pilotent les affaires de l’État. Or, ces instructions, souvent orales, ne sont ni connues du public, ni soumises au contrôle d’aucun contre-pouvoir. On assiste ainsi à une personnalisation extrême du pouvoir exécutif, doublée d’une opacité inquiétante. Le recours systématique aux « hautes instructions » révèle un État où les institutions sont instrumentalisées, où le président semble se soustraire à l’exercice actif de ses responsabilités, confiant la gestion quotidienne du pays à un secrétaire général tout-puissant, jamais élu, jamais comptable devant le peuple. Cette configuration brouille les lignes de responsabilité, nourrit les luttes internes et les manipulations, tout en minant la lisibilité et la crédibilité de l’action publique. En réalité, cette pratique traduit surtout l’épuisement physique et politique d’un régime incapable de se renouveler.

Dans toute démocratie fonctionnelle, un président âgé de plus de 90 ans, absent de la scène publique et réduit à déléguer les moindres actes de souveraineté, serait considéré comme inapte à gouverner. Mais au Cameroun, on continue à gouverner par « instructions », dans une forme de monarchie républicaine qui ne dit pas son nom. Cette situation trahit la faillite d’un système verrouillé, paralysé et autoritaire, où la concentration du pouvoir dans les mains d’un seul homme finit par paralyser toute une nation. Une chronique du déclin qu’aucune instruction, fût-elle « haute », ne pourra maquiller éternellement. En définitive, la décision de Paul Biya de briguer un nouveau mandat en 2025 apparaît moins comme un acte de dévouement que comme une preuve supplémentaire du verrouillage du système politique camerounais. À l’heure où de nombreux pays africains amorcent des transitions démocratiques audacieuses, le Cameroun s’enlise dans une logique de conservation du pouvoir, au mépris de l’usure du temps, de l’épuisement institutionnel et du rejet populaire. Cette candidature illustre l’incapacité d’un régime à se renouveler, préférant s’accrocher à un pouvoir devenu anachronique. Le pays mérite pourtant mieux : une alternance crédible, une jeunesse valorisée et un avenir fondé sur l’écoute et la justice.

Joakim IPELA

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