TETE A TETE AVEC AXEL ABESSOLO
Esbimedia : Le cinéma et vous, ça fait combien de temps ?
Ça fait exactement 25 ans que je suis dans le cinéma. J’ai commencé très jeune au Lycée Général Leclerc. Mon premier vrai projet c’était un court métrage qui s’appelait ‘’ C’est moi le père ‘’ de Serge Alain Noa.
Esbimedia : Quel est le plus gros cachet que vous ayez déjà perçu en tant qu’acteur ?
Je vais le dévoiler parce que je ne l’ai pas touché entièrement. C’est des choses qui ne se disent pas. Ma plus grosse signature pour le moment est de 15.000 euros soit 9.791.041 F CFA, sur un projet marocain qui n’a pas encore vu le jour. Je n’ai donc pas touché la totalité du cachet. Une avance oui, parce qu’on a dû s’arrêter à cause du Covid et après le projet n’a pas continué enfin, pas à ma connaissance. On était à 70% du projet d’après les producteurs. Peut-être on le verra sous forme d’un long métrage si mes informations sont bonnes.
Esbimedia : Parlant de série… Quelle est votre histoire avec la série Obatanga ?
La série Obatanga c’est un conte de fée pour moi. Je me réveille un matin, je scroll mon Facebook comme d’habitude et je tombe sur une annonce de Plan A, qui est la maison de production que dirige Alex Ogou de la Côte d’Ivoire. Il est le producteur et réalisateur de pleins de séries à succès comme ‘’Invisibles’’, ‘’Cacao’’, ‘’Niabla’’, etc… L’annonce recherche un acteur d’une certaine tranche d’âge et il fallait faire une vidéo de présentation. Chose que j’ai faite et quelques jours après, je reçois un mail de la directrice de casting qui m’informe que je corresponds au profil recherché. Le mail est accompagné d’un texte que je dois jouer et renvoyer. Je joue avec l’aide d’Yvette Mengue, une proche. Quelques jours après, je suis confirmé pour le rôle de capitaine Kolo.
J’étais encore au Maroc pour le tournage du long métrage ‘’Casablanca –Dakar’’ en début d’année 2024. Très vite, les choses se sont enchaînées. Le 1er mars, j’étais en Côte d’Ivoire et le lendemain matin, je suis sur le plateau pour une séquence à jouer avec Maïmouna Ndiaye, Fabrice O’lion et Brice Delon. Ça reste un peu comme un rêve pour moi parce que Alex Ogou fait partie des réalisateurs avec lesquels j’ai toujours rêvé travailler depuis qu’il a fait ‘’Invisibles’’. Dans la foulée, j’ai découvert le co-réalisateur Jean Luc Rabatel que j’adore. C’est une paire de réalisateurs qui t’amène à sortir tout le jeu que tu as dans tes tripes. Aujourd’hui, le résultat est juste magnifique.
Esbimedia : Que ressentez-vous lorsque vous regardez votre travail à la télévision ?
Je ne sais pas pour les autres mais personnellement, je fais partie des acteurs qui détestent se regarder à l’écran. Je suis très critique de mon travail et je ne suis jamais satisfait à 100%. Je préfère m’arrêter à ce que les gens me disent de mon travail c’est plus satisfaisant et encourageant. Une fois que je me retrouve devant la télévision à me regarder je me dis : « mais quelle catastrophe seigneur ! Comment on peut jouer aussi mal ? »; donc je n’aime pas du tout me regarder.
Esbimedia : De vos nombreuses scènes, laquelle vous marque le plus ?
Je vais partir sur ‘’ Obatanga ‘’. Nous étions arrivés sur le plateau le matin. Le premier assistant est venu vers moi et il m’a dit : « Axel on a six scènes à faire avec toi, le problème est qu’elles s’enchaînent. Est-ce que tu es capable de nous faire les six d’un coup ? Parce qu’il faut libérez l’équipe à 14h »; je crois que ça devait être un jour férié ou de fête. Je lui ai demandé de voir avec les autres acteurs, de toute façon je suis prêt, je ne suis pas parti du Cameroun pour venir m’amuser ici. Avec les deux autres acteurs nous nous sommes retirés dans un coin, on a commencé à répéter et tout le monde était surpris de me voir partir sur des textes colossaux. Quand nous sommes montés sur scène, nous avons fait six séquences d’affilés. C’était juste magnifique. Les réalisateurs m’ont demandé de ne pas me renfermer et d’exprimer mon talent à ma guise. Je me suis senti tellement libre dans ces scènes. Ce qui était impressionnant est qu’à chaque scène, à aucun moment on ne s’est arrêté parce que j’ai mal dit le texte ou qu’un mot n’est pas sorti. À chaque séquence, j’avais le texte d’un bout à l’autre. À la fin des six séquences bien avant 13h, l’équipe m’a tiré un coup de chapeau.
Esbimedia : En tant qu’acteur est-ce que vous vous sentez valorisé au Cameroun ?
On est dans un système et ce n’est pas qu’au Cameroun où il y a de nouveaux paradigmes. Des stars d’un nouveau genre sont de plus en plus mises en avant. Internet est aujourd’hui le moyen par excellence d’être connu par des gens, entre des webcomédiens sans talent et des musiciens qui chantent ou pas finalement (suivez mon regard). Les regards sont désormais dirigés vers ces gens là malheureusement. Nous qui essayons de faire plus ou moins quelque chose de puriste, on est souvent un peu ignoré du public et ça ne me dérange pas plus que ça. Ma carrière professionnelle je sais où je l’amène et je n’ai jamais été friand de reconnaissance. La preuve est qu’avant la série ‘’madame/monsieur’’ qui m’a donné un peu de notoriété, je faisais déjà mon travail depuis longtemps. Je voyageais déjà pour des tournages dans le monde et les camerounais ne me connaissaient pas plus que ça. Aujourd’hui il y a cette petite reconnaissance qui fait du bien. Je ne pense pas vraiment que ce soit à juste titre. Les nouveaux paradigmes font que les regards soient tournés ailleurs.
Esbimedia : Y a-t-il des similitudes entre Axel ABESSOLO et le pasteur de la série Madame/monsieur ?
Je ne pense pas qu’il y ait des similitudes entre Axel ABESSOLO et le pasteur dans Madame/Monsieur. La seule chose qui nous lie c’est que j’ai prêté mon corps à ce personnage. Je pense qu’ils sont aux antipodes l’un de l’autre. Déjà par les croyances, ensuite par le tempérament. J’évite de ressembler à mes personnages parce qu’un acteur qui se joue n’est pas impressionnant pour moi. Se jouer soi-même c’est facile. tout le monde peut le faire. Ce que je fais depuis que je travaille dans le cinéma, c’est d’éviter de jouer mon propre personnage. Je travaille énormément devant le miroir et je sais comment mon visage se présente à chaque émotion (je parle d’Axel). Dans mes personnages, je crée toujours quelque chose qui va à l’opposé de moi. Il faudrait bien que les gens se disent mais comment il fait ça ? En tant que comédien depuis le début de ma carrière professionnelle, j’ai gagné ce pari là; celui de jouer des personnages qui n’ont rien à voir avec Axel ABESSOLO.
Esbimedia : Qui est Axel ABESSOLO ?
Axel ABESSOLO est un jeune camerounais. Un métis à la peau noire de la région du Sud et du Centre. Je suis né sur un lit picot dans le Sud, dans un petit village appelé Ngoazip 1. J’aime souvent le dire c’est le plus beau village du Sud du Cameroun. J’y ai passé le plus clair de mon enfance et mon adolescence, dans la mesure où j’y allais toujours en vacances. Mais très tôt, on m’a amené à Yaoundé où j’ai véritablement grandi. Je suis parent et cinéaste. À dire vrai, je ne sais vraiment jamais parler de moi, c’est compliqué.
Esbimedia : En dehors du cinéma, que fait Axel ABESSOLO ?
J’ai souvent envie de répondre « Qu’est-ce que le Président Paul Biya fait, à part être président ? ». Il a des plantations oui c’est vrai mais il est d’abord Président de la République. S’il faut dire qu’à chaque travail il faut un plan B ça peut prêter à équivoque. Est-ce qu’être Président nécessite forcément d’avoir une plantation ? Ça rentre dans l’investissement que tout le monde peut faire. À la base on a d’abord un métier et celui-ci s’il vous nourrit et paye vos factures, gère votre santé et votre famille c’est l’essentiel. Néanmoins, je pense à un plan B parce que tout le monde est à la recherche du bien-être. J’aimerai avoir beaucoup plus d’argent. Mais, pour le moment je ne suis qu’acteur de cinéma et coach d’acteur. Je suis actuellement en pleine préparation des acteurs qui vont jouer dans un long métrage qui démarre ce mois de novembre. Voilà mon métier.
Esbimedia : Quel est le trophée dont vous êtes le plus fier dans votre palmarès ?
J’ai deux trophées qui sont très significatifs pour moi. Le premier, je le gagne au Maroc en 2015. Le film dans lequel j’avais joué s’intitule ‘’Claire ou l’enfant de l’amour’’ de Marie Noëlle Niba.
Nous étions d’ailleurs au Festival Écrans Noirs cette année-là pour ce film mais nous n’avions pas eu de prix. J’ai commencé à me dire que je n’étais pas bon acteur car je n’ai jamais rien remporté dans mon pays. Quelques mois plus tard, le film est sélectionné pour le Maroc et moi j’y vais en tourisme ne me doutant de rien. Et ce soir là, le trophée est arrivé sans effort. Ce genre de choses reste gravé pour la vie d’autant plus que c’était mon tout premier trophée et mon premier million en tant que comédien.
Le deuxième prix c’est au Festival Écran Noirs 2023. Un trophée que j’ai toujours convoité parce que je pense qu’il faut l’avoir en tant que cinéaste camerounais. Une fois qu’on l’a, on peut se dire ok j’ai gagné l’un des festivals des plus prestigieux de chez moi, je peux aller à la conquête d’autres récompenses. L’année dernière c’est grâce à ‘’destinée’’ de Gérard Nguele que j’ai pu décrocher le sacre de Meilleur acteur que j’ai cherché pendant une dizaine d’années. Dites-vous, que je suis venu aux Écrans Noirs pendant 10 ans, avec au moins un projet et je voyais toujours le prix me filer entre les doigts. Je me suis dit que je vais continuer de bosser dur. Et voilà je l’ai finalement eu.
Propos recueillis par Leaticia MEMOLI
Relecture : Ivane MESSI