GABI RUBEN NGOUNOU : « LE CINÉMA CAMEROUNAIS NE NOURRIT PAS AISÉMENT SON HOMME »

Dans une interview exclusive accordée à Esbimedia, Gabi Ruben Ngounou, réalisateur camerounais reconnu pour son talent, se dévoile et partage son parcours fascinant. De ses débuts marqués par une passion pour le cinéma à ses récentes récompenses, dont le prix de la paix au festival panafricain de Cannes pour son film ‘’Sans jugement’’, il évoque ses motivations, ses défis et sa vision du cinéma camerounais.
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Esbimedia : Pourquoi avoir choisi d’être réalisateur de cinéma ? 

J’ai choisi d’être réalisateur parce que, en regardant certains films, j’avais souvent du mal à être convaincu par ce que proposaient certains réalisateurs à cette époque. J’ai donc eu envie de proposer une autre façon de faire les choses.

Esbimedia : Cela fait combien de temps que vous vivez une histoire d’amour avec le cinéma ? 

Mon histoire d’amour avec le cinéma remonte à ma tendre enfance. Je me rappelle encore lorsque mes oncles fréquentaient les salles de cinéma pour regarder des films indiens. Ils m’y emmenaient, et j’ai donc pris goût au cinéma. Plus tard, quand j’ai eu l’opportunité, je me suis lancé dans cette aventure, débutant véritablement en 2006.

Esbimedia : En tant que réalisateur, quel est votre palmarès en termes de prix remportés ? 

En tant que réalisateur, j’ai déjà reçu plusieurs distinctions. Je ne suis pas sûr de pouvoir tout citer ici, mais je vais essayer. J’ai reçu la mention spéciale du jury au festival Écrans Noirs pour mon court métrage ‘’Ndutu’’. Au festival du film indépendant africain au Rwanda, j’ai remporté le prix du meilleur long métrage. J’ai également été distingué deux fois au festival panafricain du film de Cannes : une fois avec la mention spéciale du jury dans la catégorie long métrage et récemment, j’y ai gagné le prix de la paix avec le film ‘’ŕSans jugement’’.

Esbimedia : Parlez-nous de votre film ‘’Sans jugement’’. 

Je vous invite tous à regarder le film, je ne vais pas le spoiler. Néanmoins, l’intrigue tourne autour d’une ville où règne le crime. Pour éradiquer ce fléau, le gouvernement crée une force spéciale. Au fil du temps, les méthodes de cette force deviennent inhumaines. Dominique, un jeune homme accusé à tort d’un meurtre, n’a pour seul espoir qu’une avocate, Ana, qui croit en la justice. C’est une immersion dans un monde où chercher la justice peut coûter la vie, et chaque personnage se retrouve face à ses propres démons.

Esbimedia : Quel est votre avis sur les débats autour de ce film après le festival Écrans Noirs ? 

Personnellement, je ne prête pas trop attention aux polémiques, car j’estime que c’est de l’énergie et du temps gaspillés. J’ai eu vent des discussions sur les réseaux sociaux, et je dois dire qu’il y a toujours des satisfaits et des mécontents lors des festivals. Le jury a un point de vue objectif qui ne tient souvent pas compte de l’opinion générale. Je comprends donc les frustrations, mais il faut passer à autre chose. Ces débats ont tendance à créer des clans dans notre cinéma, et nous n’en avons pas besoin.

Esbimedia : Quel a été le moment le plus marquant dans la réalisation de ce film ? 

Le moment le plus marquant lors du tournage de ‘‘Sans jugement’’ s’est déroulé dans le Moungo, précisément dans le village de Mburuku. Je remercie d’ailleurs les habitants qui nous ont bien accueillis. Nous devions nous réveiller très tôt pour grimper la colline avec tout le matériel de tournage. Après 2h30 à 3h de marche, nous étions sur le site de tournage, accueillis par la communauté bororo. Cependant, je voulais tourner une scène avec les acteurs tous nus, mais ils ont refusé de se déshabiller devant les personnes présentes. J’ai tenté de les convaincre, mais sans succès. La discussion a pris beaucoup de temps, et j’ai dû abandonner mes plans initiaux pour me réinventer sur le champ. Quand j’ai finalement décidé de reprendre le tournage avec une nouvelle approche, des nuages ont envahi le site, rendant le tournage impossible. J’ai alors décidé que personne ne rentrerait et que nous dormirions tous sur le site. L’équipe et la production ont été choquées, mais nous avons finalement passé la nuit avec la communauté bororo, où nous avons partagé un mouton. Le lendemain, le tournage s’est déroulé à merveille, grâce à Dieu. C’était le moment le plus marquant de cette aventure, même s’il y en a eu d’autres.

Esbimedia : Pouvez-vous citer les projets cinématographiques (films et séries) dans lesquels vous avez été réalisateur ? 

C’est difficile de tous les citer d’un coup, car 2006 à 2024, cela fait beaucoup d’années. J’ai travaillé sur de nombreux films et séries. Ceux qui me viennent à l’esprit sont ‘’La Nouvelle Épouse’’ produite par Marcelle Kuetche, ‘’Viens on reste’’ également produite par Marcelle Kuetche, ‘’Ndutu’’ et ‘’Sans jugement’’. Comme je l’ai dit, je ne peux pas tout citer d’un coup.

Esbimedia : Le cinéma camerounais nourrit-il son homme ? 

Pour être honnête, le cinéma camerounais ne nourrit pas aisément son homme. Cependant, je dirais qu’au moins, je m’en sors grâce à ce métier. Je réussis à payer mes factures.

Propos recueillis par Leaticia MEMOLI

Relecture : Ivane MESSI

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