LUCKY +2 : « MON FEATURING AVEC MON PAPA EST LE TITRE PLUS MARQUANT DE CET ALBUM »

En prélude à la sortie de son nouvel album, Icouralors, prévue le 21 décembre 2024, le chanteur gospel camerounais Lucky +2 a accordé une interview à Esbimedia. Ce projet  explore des thèmes profonds tout en mettant en avant des collaborations inattendues avec des artistes d'horizons variés. Lucky+2 partage son inspiration, les défis liés à son héritage familial et l'importance de transmettre des messages d'espoir et d'amour à travers sa musique. Découvrez les coulisses de cet album et la vision artistique de cet artiste engagé.
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Esbimedia : Parlez-nous de votre album Icouralors.

Le titre de l’album, Icouralors, signifie « écoute » dans ma langue maternelle, l’Eton. L’inspiration m’est venue de mon père, qui aimait souvent répéter cette phrase. J’ai gardé ce mot en tête, et à chaque fois que je compose une chanson, j’ai envie de le mettre en avant. Mon souhait est que les gens comprennent véritablement ce que cela signifie. Ce titre représente aussi le cœur de l’album, qui se concentre davantage sur des morceaux d’écoute que sur des chansons dansantes, un changement par rapport à mon style habituel.

L’album compte seize titres et cela fait plus de deux ans que je travaille sur ce projet. J’avais initialement prévu de sortir un autre album intitulé Volteface, mais j’ai décidé de le mettre de côté en raison de la qualité des chansons que j’ai créé pour Icouralors.

J’ai également intégré de nombreux featuring avec des artistes qui ne font pas exclusivement du gospel, ce que j’apprécie beaucoup. Beaucoup de gens considèrent ces artistes comme « des artistes du monde », mais je ne partage pas cette vision. En réalité, il existe de nombreux artistes qui, bien qu’ils ne soient pas dans le gospel, transmettent des messages puissants qui peuvent aider à la fois ceux qui se trouvent dans l’église et les autres. Pour moi, il n’y a pas de distinction entre un « artiste du monde » et un artiste engagé.

Dans Icouralors, vous trouverez une multitude de collaborations, de messages forts et de mélodies captivantes, mais l’essence de l’album reste profondément ancrée dans le gospel. Parmi les artistes avec lesquels j’ai collaboré, on retrouve Tenor, Magasco, Mink’s, Tim Kaiser, Bad Nova, Locko, Lady Ponce, Sandrine Nnanga, Bedine Essomba, et bien sûr, mon père, Manga Lucky.

Esbimedia : Parmi toutes ces collaborations, laquelle vous a le plus marqué ?

Celle qui m’a le plus marqué, c’est mon featuring avec mon papa, Manga Lucky, car c’est quelque chose que les gens ont toujours attendu. Cela a été la chose la plus difficile pour moi dans cet album, car je me suis toujours demandé comment j’allais associer mon père et moi dans une chanson. C’était compliqué de trouver une chanson dans laquelle il se sentirait à l’aise et où je me sentirais aussi à l’aise. Nous avons réussi à le faire, et c’est ce qui est le plus marquant dans cet album Icouralors.

Une petite anecdote : le jour où je lui ai dit que j’avais prévu de faire une chanson avec lui dans l’album, et que cette chanson était l’une des siennes, il s’est aussi posé la question de savoir comment j’allais transformer l’une de ses chansons pour qu’elle s’intègre dans mon thème. Il était vraiment curieux de le savoir. Quand il est arrivé au studio et a écouté la manière dont j’ai transformé sa chanson, il était vraiment impressionné. Il a dit : « Avant, c’était moi le père, aujourd’hui, c’est toi mon père ». Le titre de la chanson est « Ya Mboe Yam ». Je l’ai adapté à ma manière pour en faire du gospel.

Esbimedia : Est-ce que le fait d’être fils de musicien n’a pas exercé une pression sur vous ?

Être le fils d’un musicien célèbre me met une pression énorme. Je me suis toujours dit qu’il fallait que je ne sois pas une déception pour lui. Après tout, il a bâti un nom et une réputation au fil des ans. Je ne voudrais pas qu’on dise, en parlant de moi, « voilà le fils de celui qui nous dérange les oreilles ». Cette pression est constante. D’un côté, il y a des avantages indéniables, mais il y a aussi cette obligation de faire bien, voire mieux que lui. Je crois qu’il souhaite sincèrement que je dépasse ce qu’il a accompli. C’est donc une pression lourde à porter.

Mon idole dans la musique a toujours été Nkodo Sitonny. Beaucoup de gens s’étonnent de voir que, bien que j’aie un père artiste, je suis fan d’un autre musicien. Spirituellement, c’est tout à fait normal. Je respecte et j’apprécie ce que fait mon père, mais c’est Nkodo Sitonny qui a réellement influencé ma manière de chanter.

Esbimedia : Depuis le début de votre carrière musicale, qu’est-ce qui vous rend le plus fier ?

Ce qui me rend le plus fier, c’est mon équipe. Cela fait plus de dix ans que je travaille avec mes musiciens, et ils ont cru en moi dès le début. Mes danseurs sont également là depuis plus de dix ans. La plus grande richesse d’un artiste, c’est d’avoir une équipe solide qui croit en lui et l’accompagne au quotidien. Je suis fier de les avoir à mes côtés, qu’il y ait de l’argent ou non.

Esbimedia : Qu’est-ce que le Canal 2 Or a apporté de plus dans votre carrière ?

Le Canal d’Or a indéniablement boosté la notoriété de Lucky+2, mais je pense que c’est surtout le début d’une marche vers quelque chose de plus grand. Je n’ai pas travaillé toutes ces années uniquement pour ce prix. Cependant, son obtention est une preuve que le travail porte ses fruits. Cela galvanise toute mon équipe ; ils savent que leurs sacrifices ne sont pas vains. Ce prix nous a redonné de l’enthousiasme pour continuer à nous surpasser.

Mes fans ont toujours attendu ma nomination au Canal d’Or et souhaité me voir remporter ce prix. Lorsque j’ai reçu le prix, les gens jubilaient dans tous les quartiers, comme si c’était un trophée national. Ce moment a été très marquant pour moi, me prouvant qu’il y a des gens qui aiment ce que je fais.

Esbimedia : À l’avenir, quel est le prix qui, selon vous, sera une consécration ?

Les prix ne sont pas les plus importants pour moi. Ce qui compte, c’est que ma musique soit jouée partout dans le monde. J’aimerais vraiment faire une tournée mondiale et remplir des stades au Cameroun. Je crois que c’est en atteignant cet objectif que les prix viendront naturellement. Mon ambition est de remplir le Stade Omnisport de Yaoundé. Si j’y parviens, je sentirai que je peux conquérir le monde. Même si je réussis à remplir des stades en France ou ailleurs, si je ne réussis pas à le faire au Cameroun, cela ne sera jamais une victoire pour moi. La véritable victoire, c’est de remplir le Stade Omnisport de Yaoundé.

Esbimedia : Vous avez déjà réalisé plusieurs spectacles. Jusqu’ici, quel spectacle a été le plus marquant pour vous ?

Le spectacle qui m’a le plus touché, c’était celui du 29 décembre 2023 à Planète Ponce. Il y avait beaucoup plus de pression. Pour les premiers concerts, les gens ne m’attendaient pas trop ; ils venaient pour découvrir. Mais pour ce concert-là, les gens venaient pour confirmer. Il fallait prouver, donc il y avait beaucoup de pression. De plus, j’étais malade, ce qui représentait un challenge pour moi et toute mon équipe. Voir la réussite de ce concert m’a beaucoup marqué.

Esbimedia : Pourquoi avoir choisi de faire le gospel ?

Le gospel est pour moi un véritable reflet de mon être. Je suis une personne assez mélancolique, profondément sensible à la douleur des autres. J’ai cette capacité à ressentir ce que les autres vivent, une empathie qui m’anime. Depuis mon enfance, j’ai traversé des expériences qui m’ont rapproché de l’église et m’ont permis d’en tirer des enseignements précieux. Aujourd’hui, je cherche à exprimer à travers mes chansons les émotions et les leçons qui m’ont aidé à surmonter les épreuves.

Je crois fermement que ma musique peut apporter du réconfort à ceux qui traversent des moments difficiles. C’est dans le domaine du gospel que je me sens le plus utile, car je sais que la Parole a un pouvoir immense : elle peut à la fois sauver et détruire. Mon objectif est d’utiliser mes paroles pour réconforter, encourager et, si possible, aider à la guérison des âmes.

Esbimedia : À votre avis, y a-t-il une différence entre musique gospel et musique religieuse ?

Oui, il existe une différence significative entre la musique gospel et la musique religieuse. Les religions sont diverses, et chacune possède ses propres chants et traditions. Par exemple, les catholiques peuvent chanter des hymnes dédiés à la Vierge Marie, tandis que dans d’autres confessions, Marie n’est pas chantée. Cela signifie que si un artiste compose une chanson en l’honneur de la Vierge Marie, celle-ci pourrait être rejetée dans certains milieux religieux.

En revanche, la musique gospel est une musique d’esprit, universelle et intemporelle. Historiquement, elle trouve ses racines chez les esclaves des Amériques, qui l’utilisait pour exprimer leurs lamentations et leurs espoirs. Le gospel est donc une musique d’espoir et d’élévation spirituelle qui ne se limite pas à une seule église ou tradition. Contrairement à la musique religieuse, qui est souvent liée à des dogmes spécifiques, le gospel transcende les frontières religieuses et touche un public plus large.

Esbimedia : S’agissant de votre foi, vous êtes de quelle obédience religieuse ?

J’ai passé la majorité de ma jeunesse au sein de l’église catholique, où j’ai reçu de précieux enseignements. Bien que mon parcours m’ait éloigné des pratiques religieuses traditionnelles, je reconnais l’importance de la prière, de Dieu et de la Parole. Aujourd’hui, je ressens moins la portée de l’église lorsque j’y vais, et je ne peux pas dire que j’appartiens à une obédience précise.

Certes, j’ai été baptisé catholique, mais je ne me considère pas comme tel. Pour moi, Dieu transcende les divisions religieuses. Que l’on soit catholique, protestant, presbytérien, pentecôtiste ou musulman, chacun recherche la même vérité divine. Il n’existe pas plusieurs dieux, mais un seul Dieu. Ainsi, si je me retrouve un jour à prier avec des musulmans, je prierai avec eux sans hésitation. Je ressens la même fraternité avec les catholiques, les protestants et toutes les autres confessions. Pour moi, la foi est un chemin universel qui nous unit au-delà des différences.

Esbimedia : Un mot pour la fin

Icouralors est là !!! Écoutez sans modération ! Que Dieu veille sur nous tous. Je prie pour qu’Il nous accorde une longue vie et qu’Il me donne la force de poursuivre ce chemin. Que l’inspiration continue de m’accompagner dans mon travail, afin que je puisse toucher encore plus de cœurs avec ma musique. Merci à tous pour votre soutien !

Propos recueillis par Sidoine FEUGUI

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