LE “PAIN SARDINE”, SYMBOLE D’UNE DÉMOCRATIE AFFAMÉE PAR LE RDPC ?

« Pain sardine » : le cache-misère rituel du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais. À chaque rassemblement du RDPC, le même rituel se répète : foule transportée, gadgets distribués, et surtout, le désormais célèbre « pain sardine ». Derrière ce geste en apparence anodin se cache une stratégie bien rodée : acheter la fidélité politique par la précarité. Bien plus qu’un simple casse-croûte, ce sandwich est devenu le symbole d’un système qui nourrit les ventres pour mieux affamer les esprits.
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C’est devenu presque folklorique : à chaque grand rassemblement du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), les images affluent sur les réseaux sociaux militantes et militants, arborant t-shirts et casquettes aux couleurs du parti, partageant des repas rudimentaires, le sempiternel pain sardine à la main. Et aussitôt, la même défense officielle : ce n’est qu’un simple moment de convivialité, un geste de reconnaissance, une pratique normale dans toute démocratie mature. Vraiment ?

Non. Ce pain sardine, loin d’être une anecdote, est l’illustration parfaite d’un système politique qui ne survit que par la mise en scène, l’assistanat clientéliste et la précarité orchestrée. Car au fond, ces images ne sont pas sorties de leur contexte : elles sont le contexte. Elles montrent une réalité brutale, que le vernis propagandiste ne parvient plus à masquer. On ne vient pas aux meetings du RDPC pour les idées, ni pour débattre d’un projet politique structurant. On y vient, souvent épuisé, transporté à coups de bus affrétés, dans l’espoir de repartir avec un t-shirt, une enveloppe, une bouteille d’eau tiède et ce fameux sandwich à la sardine. Le pain sardine est devenu la monnaie officieuse du militantisme alimentaire, l’équivalent politique du “on vous donne, vous acclamez”.

Le drame, c’est que ce « cadeau » ne choque plus. Il est devenu rituel, intégré, presque sacré. Il reflète une culture politique infantilisante, dans laquelle on ne s’adresse pas à des citoyens responsables, mais à des ventres affamés à amadouer. Dans une démocratie digne de ce nom, un meeting est un moment de confrontation d’idées, d’adhésion à une vision, d’engagement conscient. Au Cameroun, sous le régime du RDPC, on assiste à une mobilisation par la subsistance, à une logistique électorale où l’intérêt civique est remplacé par la promesse d’un casse-croûte.

Le « pain sardine » devient ainsi le symbole grotesque d’une République qui n’offre ni perspectives ni dignité, mais seulement des miettes en échange de la fidélité. Et pendant ce temps, les vrais enjeux  l’éducation, la santé, l’emploi, les libertés sont relégués au second plan, sacrifiés sur l’autel du maintien du pouvoir par le contrôle de la misère.

Alors non, ce n’est pas indécent de manger ensemble. Ce qui est indécent, c’est de réduire l’engagement politique à cela. Ce qui est indécent, c’est d’utiliser la pauvreté comme levier d’influence. Ce qui est indécent, c’est de faire de la survie un outil de propagande. Tant que le pain sardine restera un argument politique, tant que le RDPC persistera à traiter ses militants comme des assistés plutôt que comme des citoyens, le Cameroun ne pourra prétendre à une démocratie véritable. Le changement passera par une rupture radicale avec ces pratiques humiliantes, et non par leur justification creuse au nom d’une soi-disant tradition conviviale.

Pain sardine ou pas, le peuple camerounais mérite autre chose qu’un sandwich en plastique et des promesses périmées. Le « pain sardine » n’est pas une tradition innocente, c’est le symptôme d’un système politique figé dans la dépendance et la manipulation des plus vulnérables. En le brandissant comme un acte de reconnaissance ou d’organisation, le RDPC tente de maquiller une réalité accablante : l’absence de vision, de projet politique réel, et de respect pour la dignité citoyenne. Tant que la mobilisation reposera sur la faim plutôt que sur l’adhésion, le Cameroun restera prisonnier d’un théâtre électoral où le pain remplace la parole, et la sardine, le débat.

Joakim IPELA

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