YAOUNDÉ ÉTOUFFE SOUS LES ORDURES : UNE CAPITALE COUPABLE DE SA SALISSURE

La capitale camerounaise, Yaoundé, est désormais submergée par les ordures, créant une crise environnementale et sanitaire de plus en plus ingérable. Les déchets jonchent les trottoirs et obstruent les rues, particulièrement dans les zones marchandes comme Mfoundi, Mokolo ou encore Elig-Edzoa. Malgré l’urgence de la situation, les autorités semblent détournées du problème, plongeant ainsi la ville dans un quotidien de plus en plus insupportable pour ses habitants.
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La capitale camerounaise, Yaoundé, est à la dérive. En dépit des nombreuses alertes et des promesses répétées des autorités gouvernementales et communales, la ville est envahie par des montagnes d’ordures. À chaque coin de rue, chaque marché, chaque carrefour, la saleté s’accumule. Les rues qui devraient être des espaces de circulation sont transformées en décharges à ciel ouvert. Et pourtant, au sein des institutions qui devraient assurer le bon fonctionnement de la ville, c’est une indifférence presque totale face à cette crise de gestion qui se joue sous leurs yeux. Depuis plusieurs années, la situation s’aggrave, et aujourd’hui, elle a pris les proportions d’une crise sanitaire et écologique majeure. Dans les quartiers populaires de Yaoundé, les trottoirs et les chaussées sont littéralement obstrués par des tas d’ordures. Les allées des marchés sont envahies, et des décharges sauvages fleurissent un peu partout, empoisonnant l’air de la ville et offrant un spectacle lamentable pour ses habitants et visiteurs.

Les marchés de Mfoundi, Acacias, Etoudi, Elig-Edzoa, Mvog-Mbi, Ngoa Ekelle et surtout Mokolo sont devenus des lieux d’entassement d’ordures. Ces espaces, à la fois commerciaux et vitaux pour les habitants de la capitale, sont aujourd’hui devenus synonymes de négligence et de pourriture. Les commerçants, forcés de travailler dans des conditions insalubres, respirent l’air pollué et voient leurs produits à la merci des déchets qui jonchent les rues. Les étals de légumes, de fruits et autres marchandises sont souvent envahis par des détritus, et la promiscuité des ordures avec les produits alimentaires est une source de préoccupations sanitaires majeures.

Les habitants de Yaoundé, visiblement résignés mais excédés, n’en peuvent plus. « Chaque matin, je passe devant ces ordures. C’est inacceptable ! Le gouvernement nous ment. Nous voyons des tonnes de déchets qui ne sont jamais ramassées », confie un commerçant du marché Mfoundi. Ces scènes de dégradation qui se répètent chaque jour sont désormais perçues comme une malédiction par ceux qui vivent dans ces quartiers. La situation n’est plus seulement une question d’esthétique ; elle touche à la santé publique.

Les habitants pointent directement du doigt la gestion chaotique des ordures et l’inefficacité des autorités. « Les camions poubelles passent parfois une fois tous les deux ou trois jours. Et même dans ces moments, ils laissent des tas de déchets derrière eux. Ce n’est pas normal ! », s’indigne un autre commerçant du marché Mvog-Mbi. L’inefficacité des services de ramassage des ordures, conjuguée à un manque flagrant de stratégie à long terme pour résoudre le problème, aggrave une situation déjà critique. Les déchets qui s’amoncellent génèrent des nuisances olfactives insupportables et attirent toutes sortes d’animaux, notamment des rats, des moustiques et des chiens errants. La propagation de maladies comme le choléra, la typhoïde et la dengue devient ainsi inévitable. Dans les marchés de Mfoundi et Mokolo, les conditions sont d’autant plus critiques que ces zones sont à la fois des carrefours commerciaux et des lieux de passage d’une importante population, exposant tout un chacun aux risques sanitaires.

Mais ce qui est encore plus frappant dans cette crise, c’est l’indifférence totale des autorités locales. Les responsables de la propreté et de la gestion des déchets semblent avoir oublié leurs obligations. De l’hôtel de ville au marché centrale, tout se passe comme si cette crise n’était pas une priorité. Les promesses des autorités locales ne sont jamais tenues. Il y a bien eu des initiatives éparses, comme des opérations de nettoyage qui ne durent que quelques jours et qui sont vite oubliées une fois les caméras éteintes.

Le manque de coordination entre les services municipaux et les entreprises de gestion des déchets est un autre facteur aggravant. Alors que certaines entreprises privées et publiques sont censées assurer le ramassage des ordures, elles sont souvent accusées de négligence et de retard dans l’exécution de leur travail. Les camions de ramassage sont rares et, lorsqu’ils sont présents, ils ne font que « balayer » les rues sans se soucier de l’accumulation systématique des déchets.

Un responsable d’une organisation locale en charge de l’environnement témoigne : « Il y a des contrats de nettoyage en place, mais il y a un manque flagrant de suivi. Les autorités ne font rien pour sanctionner les entreprises qui ne respectent pas leurs engagements. Nous sommes dans une situation où l’on préfère fermer les yeux, plutôt que de faire face à la réalité ». Avec des températures souvent élevées et l’humidité qui caractérise la saison des pluies, l’air de Yaoundé devient vite irrespirable à cause de la décomposition des ordures. Cela met en péril la santé de milliers d’habitants, qui vivent chaque jour dans la crainte de voir leur environnement se dégrader davantage. Les organisations de la société civile s’alarment. Elles soulignent l’urgence de la situation et appellent à l’action. « Il est inconcevable qu’une capitale de la taille de Yaoundé soit laissée à l’abandon de cette manière. Il est temps que les autorités prennent leurs responsabilités et mettent en place une politique de gestion des déchets efficace, durable et à la hauteur des enjeux », insiste une activiste responsable d’ONG en charge de l’assainissement.

Les habitants, épuisés par des années de négligence, n’en peuvent plus de vivre dans ce marasme. Certains commencent à organiser des actions de protestation, réclamant des solutions immédiates. « Nous en avons assez de cette situation. Les autorités nous ont laissés sans recours. Nous devons nous battre pour un environnement propre, un minimum de respect pour nos vies et notre dignité » ajoute une habitante de Ngoa Ekelle.

Les populations exigent plus que des promesses : elles veulent des actions concrètes et un engagement réel des autorités. Yaoundé ne peut plus se permettre de vivre dans cette situation. Il est temps que les autorités prennent des mesures fermes et immédiates pour endiguer cette crise des ordures. Le ras-le-bol des citoyens est palpable, et la colère pourrait vraisemblablement se transformer en un mouvement de contestation populaire si la situation ne change pas rapidement.

Joakim IPELA

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