EXCLUSIF – INFLUENCEURS ET INFLUENCEUSES AU CAMEROUN : UN MAILLAGE « TOXIQUE » POUR LA JEUNESSE ?

Le phénomène des influenceurs et influenceuses a pris une ampleur spectaculaire au Cameroun ces dernières années. Ces figures incontournables des réseaux sociaux, qui ont su capitaliser sur leur notoriété pour capter une large audience, exercent une influence non négligeable sur une jeunesse en quête de repères. Cependant, derrière les apparences glamour et la promesse d’un mode de vie rêvé, se cache une réalité moins reluisante qui impacte négativement les jeunes Camerounais. Dans un pays où la majorité des jeunes peine à joindre les deux bouts, les influenceurs véhiculent une image d’une vie parfaite, pleine de luxe, de voyages et d’opportunités. Mais cette vie, qu’ils affichent fièrement sur leurs plateformes, est bien loin de la réalité du quotidien de leurs abonnés. Ces influenceurs présentent des produits de luxe, des tenues coûteuses, des voitures dernier cri, et des voyages à travers le monde, mais dans une société comme le Cameroun, où le chômage est élevé et où de nombreuses personnes vivent sous le seuil de pauvreté, ces images créent un fossé insurmontable entre la réalité et l’illusion.
Les jeunes, en particulier, sont constamment confrontés à ces idéaux inaccessibles. La pression sociale et la quête de validation les poussent à adopter un comportement de consommation excessive. Résultat : des achats impulsifs, des emprunts et parfois même des sacrifices financiers pour tenter de ressembler à ces modèles qui, au fond, ne sont que des produits bien huilés du marketing numérique. Mais la dérive ne s’arrête pas là. De nombreux influenceurs, en quête de partenariats lucratifs, sont prêts à promouvoir des produits dont la qualité laisse à désirer. En échange de leur notoriété, ces jeunes célébrités des réseaux sociaux acceptent de promouvoir des produits de beauté, des cosmétiques, des équipements électroniques, des vêtements ou même des services, sans se soucier des effets négatifs qu’ils pourraient avoir sur la santé ou le bien-être de leurs abonnés. Les jeunes consommateurs, n’ayant pas toujours les moyens de vérifier l’authenticité des produits présentés, se laissent facilement convaincre. Ils achètent donc des produits qui, en réalité, n’apportent rien de bénéfique ou qui ne répondent pas à leurs besoins, tout ça pour suivre les tendances créées par ces influenceurs. Ces pratiques dévalorisent le pouvoir d’achat et favorisent l’achat compulsif, au détriment de la santé économique des jeunes et de leur bien-être mental.
Un autre aspect préoccupant du phénomène des influenceurs au Cameroun est l’impact psychologique qu’il engendre sur les jeunes. L’obsession de l’image, la comparaison constante avec les autres, et la quête de reconnaissance sur les réseaux sociaux créent un climat de frustration et de dévalorisation. Les jeunes, principalement les filles, sont en permanence exposées à des standards de beauté irréalistes et à des idées fausses sur ce qu’est le succès. Les influenceurs qui prônent une certaine norme de beauté, souvent basée sur des retouches photo ou des produits de chirurgie esthétique, véhiculent des messages destructeurs pour la confiance en soi des jeunes. Cette pression sociale exerce une influence pernicieuse, particulièrement chez les adolescents, qui n’ont pas toujours les moyens de comprendre la manipulation derrière ces représentations visuelles. Le problème majeur réside dans le décalage évident entre ce que les influenceurs proposent et les préoccupations réelles des jeunes Camerounais. Au lieu d’être des modèles de responsabilité sociale, ces personnalités publiques véhiculent une image de réussite fondée uniquement sur la consommation et l’apparence. Il serait plus utile qu’ils mettent leur influence au service de causes locales, qu’ils sensibilisent leur public sur des sujets importants comme l’éducation, la santé, le développement économique ou même la lutte contre la pauvreté.
Au lieu de se contenter de prôner des produits chers et des vacances luxueuses, ils pourraient investir dans la promotion d’une culture de solidarité, d’efforts collectifs, et d’entrepreneuriat local. Mais force est de constater que peu d’influenceurs au Cameroun semblent réellement intéressés par ces enjeux. Leurs préoccupations principales demeurent le profit et la célébrité. Il est plus que temps de repenser l’impact des influenceurs sur la jeunesse camerounaise. Si ces figures numériques continuent de prospérer en véhiculant des valeurs superficielles, elles risquent de laisser un vide dangereux dans les esprits des jeunes générations. L’influence, qu’elle soit numérique ou physique, doit être utilisée avec discernement et responsabilité. Le public, surtout les jeunes, mérite des modèles plus sains, plus engagés, et plus en phase avec les réalités du pays. Les influenceurs doivent s’engager à promouvoir une image positive, qui prône des valeurs de solidarité, de travail acharné, et de respect des autres. Dans le cas contraire, cette « influence » pourrait finir par n’être qu’une dérive dangereuse, loin des véritables préoccupations sociales et humaines du Cameroun.
Joakim IPELA