POURQUOI LE MANDAT ACTUEL DE PAUL BIYA SERA LE DERNIER

À 92 ans, Paul Biya porte le poids d’une gouvernance devenue largement contestée. Si son maintien au pouvoir pendant toutes ces années a reposé sur un savant équilibre entre autoritarisme et clientélisme, la société camerounaise a profondément changé. La population est plus jeune, plus connectée, plus informée. Elle refuse les méthodes d’un autre temps : la répression, la corruption et la centralisation du pouvoir. La déconnexion entre un président qui symbolise le passé et une jeunesse avide de changement est criante. La longévité au pouvoir a aussi montré ses limites. Le pays est miné par une mauvaise gouvernance qui affecte tous les secteurs : économie stagnante, services publics défaillants, inégalités croissantes. La légitimité du régime s’effrite, non seulement parce que Paul Biya est perçu comme distant et dépassé, mais aussi parce que les institutions, qui devraient être garantes de la stabilité, sont vidées de leur pouvoir réel.
Même si l’opposition camerounaise reste divisée, elle a gagné en visibilité et en soutien. Les mouvements sociaux, les partis politiques, et la société civile ont multiplié les initiatives pour dénoncer les abus du régime. La contestation post-électorale de 2025 en est un exemple flagrant : des manifestations pacifiques, massivement réprimées, mais dont la résonance dans l’opinion publique et au-delà des frontières nationales est indéniable. Cette contestation croissante révèle une rupture profonde : les Camerounais ne veulent plus d’un pouvoir qui refuse le dialogue et impose ses choix par la force. Les appels à la réforme, à la transparence, à la fin des discriminations ethniques et régionales s’intensifient. Cette dynamique sociale sape la stabilité politique du régime et limite sa marge de manœuvre. La guerre dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest est devenue le symbole de l’échec de la gouvernance Biya. Depuis plusieurs années, ce conflit armé a fait des milliers de morts, déplacé des centaines de milliers de personnes, et détruit des infrastructures essentielles.
Le refus du régime d’engager un dialogue sincère et la poursuite d’une politique sécuritaire basée sur la répression ont exacerbé la crise. Ce conflit fragilise le Cameroun à l’intérieur et ternit son image à l’international. Il révèle aussi l’incapacité d’un régime vieillissant à résoudre les problèmes complexes d’un pays aux identités multiples. Pour beaucoup, la résolution de cette crise passe par un changement profond de leadership. Pendant longtemps, Paul Biya a bénéficié d’un soutien implicite ou tacite de partenaires étrangers, notamment occidentaux, pour des raisons stratégiques : lutte contre le terrorisme, stabilité régionale, intérêts économiques. Cependant, la donne a changé. La montée des critiques sur la gouvernance, les violations des droits humains, la corruption, et les liens controversés ont entamé la crédibilité du régime. Des voix importantes, notamment au sein des États-Unis et de l’Union européenne, appellent désormais à une réévaluation de la relation avec Yaoundé. Le Cameroun n’est plus perçu comme un partenaire fiable, ce qui fragilise son accès aux aides et investissements étrangers.
Au-delà de la question du leadership, le Cameroun est à un tournant historique qui impose un changement de paradigme. La population réclame un État de droit, une gouvernance transparente, une justice indépendante et une démocratie véritable. Le temps des mandats à vie, des fraudes électorales et des clientélismes doit laisser place à une nouvelle ère. Cette exigence est portée par une jeunesse dynamique et engagée, qui se nourrit des exemples du continent et du monde. Elle ne se contentera plus des miettes du pouvoir. La société camerounaise dans son ensemble aspire à une gouvernance inclusive, qui prenne en compte les diversités régionales et culturelles. L’un des aspects les plus préoccupants de ce mandat est l’absence de clarté sur la succession. À 92 ans, Paul Biya ne peut plus gouverner éternellement, mais il n’a jamais clairement annoncé qui pourrait lui succéder au sein de son parti. Ce silence nourrit les rivalités au sein du régime, provoque des luttes de pouvoir internes, et accroît l’instabilité politique. Dans un contexte où le régime est déjà fragilisé, l’absence de transition organisée et transparente crée un risque majeur : celui d’une crise post-Biya.
Le pays pourrait se retrouver confronté à un vide politique dangereux, avec des acteurs internes et externes cherchant à tirer profit de cette période d’incertitude. Le défi pour le Cameroun est immense : réussir une transition pacifique, construire des institutions solides et poser les bases d’une démocratie authentique. Le temps presse, et la responsabilité incombe à tous les acteurs, de l’intérieur comme de l’extérieur, d’accompagner ce changement pour éviter que la fin de l’ère Biya ne débouche sur un chaos durable. Ce mandat sera t-il celui de la fin d’un cycle ? Les mois à venir apporteront la réponse, mais une chose est sûre : le Cameroun est entré dans une nouvelle phase de son histoire, où la permanence du pouvoir personnel n’est plus une option. Le dernier mandat de Paul Biya ne ressemble à aucun autre. Il est le signe d’un déclin inéluctable, d’un système à bout de souffle, confronté à des aspirations populaires et des réalités géopolitiques nouvelles. L’usure du pouvoir, la contestation grandissante, la crise anglophone, la perte de soutien international et l’absence de succession claire sont autant d’éléments qui rendent ce mandat vraisemblablement le dernier. Cette perte de soutien international est une épée de Damoclès. Elle limite la capacité du régime à financer ses projets, à sécuriser son territoire et à maintenir son appareil répressif.
Joakim IPELA























