POLITIQUE – 43 ANS DE PROMESSES NON TENUES : INVENTAIRE DES PROJETS INACHEVÉS DU CAMEROUN DEPUIS 1982

Depuis 43 ans, le Cameroun est dirigé par Paul Biya, président dont le pouvoir s’est étendu sur plus de quatre décennies, traversant des contextes politiques, économiques et sociaux profondément différents. Durant cette longue période, des centaines de projets ont été annoncés à grands renforts de discours, de cérémonies officielles, de promesses électorales et de plans stratégiques. Autoroutes, ports en eau profonde, barrages hydroélectriques, infrastructures agricoles, hôpitaux modernes, zones industrielles, centres de formation ou encore politiques d’innovation numérique : sur le papier, le pays devait connaître une profonde transformation. Mais sur le terrain, une réalité bien différente s’impose. Beaucoup de ces projets restent aujourd’hui inachevés, à l’abandon ou totalement inexistants. Ils sont devenus le symbole d’un système où l’annonce tient souvent lieu d’action, où les promesses se succèdent sans jamais donner lieu à des résultats concrets. Ce fossé entre les annonces officielles et la matérialisation réelle des projets n’est pas seulement un constat technique : il interroge profondément sur le fonctionnement de l’État, la gouvernance, la planification publique, la transparence dans l’allocation des ressources et, surtout, le respect des engagements pris envers les citoyens. Dans un contexte où les besoins en infrastructures, en énergie, en santé ou en éducation sont urgents, cette accumulation d’initiatives non réalisées alimente le désenchantement d’une partie importante de la population. À travers cette enquête, nous proposons un retour détaillé sur les principaux projets non réalisés au Cameroun depuis 1982, classés par mandat présidentiel. Une manière de dresser un tableau sans complaisance de 43 années d’annonces inabouties et de mettre en lumière l’ampleur du chantier resté à l’état de rêve.
Mandat 2018–2025 : Des promesses sans concrétisation
– Tramway de Belgique (2014): Annoncé pour moderniser le transport urbain, ce projet reste inexistant en 2023.
– Hôtel Radisson Blu (2019): Prévu pour renforcer l’offre hôtelière, sa construction n’a jamais débuté.
– Énergie solaire dans le Nord (2019): L’installation de 35 MW par Eneo n’a pas été réalisée.
– Usine d’engrais de Ferrostaal (2013): L’alimentation par le gisement d’Etinde n’a pas été mise en œuvre.
– Production d’électricité à Édea (2015): Le projet de 150 à 300 MW par un consortium norvégien est resté lettre morte.
– Rénovation de l’aéroport de Douala (2012): Malgré un budget de 153 milliards de FCFA, les travaux n’ont pas été achevés.
– Culture des arbres fruitiers (2015): Le développement prévu pour 178,5 milliards de FCFA n’a pas été lancé.
– Industrialisation de la filière manioc (2015): Les contrats de 21,3 milliards de FCFA n’ont pas été concrétisés.
– Production de maïs dans le Noun (2017) : L’investissement de 3,5 milliards de FCFA pour 10 900 tonnes n’a pas été réalisé.
– Centre d’analyse agro-industriel (2017): Sa création reste en suspens.
– Production d’anacarde (2017): L’objectif de 100 000 hectares n’a pas été atteint.
– Éolienne sur le Mont Bamboutos (2015): Le projet pilote n’a jamais été lancé.
– Aéroport de Kribi (2014): Sa construction n’a pas débuté.
– Unité de production de caoutchouc dans le Sud (2019): Le projet est resté au stade de l’annonce.
Mandat 2011–2018 : Des infrastructures fantômes
– Autoroute Yaoundé-Douala: Malgré les annonces, les travaux ont connu des retards considérables.
– Port en eau profonde de Kribi: Inauguré partiellement, il ne fonctionne pas à pleine capacité.
– Barrage de Nachtigal: Les travaux ont été lancés tardivement et ne sont pas achevés.
– Modernisation de l’aéroport international de Douala: Les améliorations prévues n’ont pas été réalisées.
Mandats antérieurs : Un héritage de projets inachevés
– Chemin de fer Transcam: La réhabilitation complète n’a jamais été menée à terme.
– Zones industrielles: Plusieurs zones annoncées dans les années 1990 n’ont jamais vu le jour.
– Développement du tourisme: Les plans pour faire du Cameroun une destination touristique majeure sont restés sans suite.
Au terme de ce parcours à travers quatre décennies de promesses non tenues, de projets annoncés en grande pompe mais laissés à l’abandon ou tout simplement oubliés, une réalité s’impose avec une clarté implacable : le Cameroun est victime d’un cycle chronique de promesses politiques sans exécution concrète. Cette situation ne peut être réduite à une simple série d’échecs administratifs ou techniques ; elle est le reflet d’un système profondément enraciné dans l’impunité, la gestion opaque des ressources publiques, l’absence de redevabilité et la politisation excessive de la gestion des grands chantiers de développement. L’impact de cette situation est considérable. Sur le plan social, elle nourrit la défiance croissante à l’égard des institutions et affaiblit le lien entre les gouvernants et les gouvernés. Sur le plan économique, elle freine les investissements, handicape la compétitivité du pays et condamne des millions de Camerounais à survivre dans un environnement où les services de base sont rares, chers ou inefficaces. Sur le plan politique, elle interroge le sens même de la gouvernance dans un État qui se revendique républicain et démocratique. Il est urgent de rompre avec cette spirale. Cela exige non seulement une volonté politique forte, mais aussi une réforme en profondeur des mécanismes de suivi et d’évaluation des politiques publiques, une transparence totale dans la gestion des fonds publics, et une culture de reddition des comptes jusque-là largement absente. Les Camerounais n’ont pas seulement besoin de nouvelles promesses, ils ont besoin de voir leurs vies changer réellement, dans leurs villages, leurs villes, leurs écoles, leurs hôpitaux et leurs routes. À l’heure où le pays est à un tournant politique majeur, cette relecture des projets non réalisés devrait servir d’avertissement. On ne peut plus construire l’avenir sur les ruines de promesses passées. Il est temps de faire du développement une réalité, et non un simple slogan de campagne. Chaque mandat présidentiel, depuis 1982, a vu défiler son lot de projets structurants, censés transformer le quotidien des Camerounais : routes à grande vitesse, barrages électriques, centres hospitaliers ultramodernes, pôles technologiques, zones industrielles ou encore programmes d’urbanisation. Mais dans la majorité des cas, ces initiatives se sont heurtées aux mêmes obstacles : surfacturation, détournements de fonds, mauvaise planification, conflits d’intérêts, ou simple inertie administrative. Le citoyen camerounais, qui attend des actes là où on lui sert des discours, se retrouve chaque fois plus désabusé, confronté à une réalité où les infrastructures élémentaires manquent cruellement et où le développement reste figé dans les rapports de projet.
Joakim IPELA























