CLAYE EDOU : LE PRECURSEUR DES DOMAINES INEXPLOITES
25 novembre 2017, le Cameroun, l’Afrique et le monde découvrent le film d’animation intitulé « Minga et la cuillère cassée », une œuvre produite par Cledley, la maison de production de Claye Edou, jeune entrepreneur camerounais. C’est un exploit pour le cinéma fait dans son pays, qui n’en est encore qu’à ses premiers pas.
13 février 2022, à l’occasion de la 25eme année de disparition du très illustre et regretté Jean Miché Kankan, Cledley Production met à la disposition du public, un teaser qui annonce l’arrivée future du biopic de l’humoriste africain le plus célèbre de sa génération. Sa renommée est mondialement acquise par la force de ses sketchs particulièrement explicatifs de la réalité.
Devant ces œuvres, si particulières et difficiles à réaliser, percer la réalité de ce producteur de talent apparait comme un défi. Claye Edou a accepté de répondre à nos questions, au milieu des tumultes de ses engagements.
EsbiMédia: Bonjour Claye Edou et merci d’avoir accepté notre invitation.
- Je vous en prie! Bonjour…
EsbiMédia: Du film d’animation au biopic, deux mastodontes du genre cinématographique, qu’est-ce qui explique cette transition?
- Chez Cledley Productions, on a toujours su qu’à un moment ou à un autre, on ferait la transition entre le film d’animation et le film en prise de vue réelle. En qualité de cinéaste, mon objectif est de transmettre un patrimoine culturel et offrir aux cinéphiles des films qui explorent des genres pas toujours abordés; nous sommes là pour essayer, autant que faire se peut, de combler certains vides que l’on a. Autant « Minga et la cuillère cassée » répondait aux besoins de voir nos contes locaux adaptés en dessins animés, ce qui n’a jamais été fait jusqu’ici, autant avec « Kankan » on permet à une icône camerounaise et africaine d’avoir les honneurs du grand écran. C’est un vide que nous avons dans notre cinéma, nous n’avons pas de films qui valorisent nos icônes.
EsbiMédia: Jean Miché Kankan est mort le 13 février 1997, cette année 2022 marque le 25eme anniversaire de sa disparition, pourquoi le choix du biopic s’est porté sur lui?
- Jean Miché Kankan c’est une légende présente dans nos esprits et ceci, dans toute l’Afrique francophone. C’est un personnage fascinant, il expose un contraste poignant. D’un côté, nous avons sa grande popularité et tous les revenus qu’il a su générer autour de lui et d’un autre côté, nous avons la forte précarité dans laquelle il a vécu et quitté ce monde. Il a été question pour moi non seulement de valoriser cette icône mais aussi faire une sorte de plaidoyer sur la condition de l’artiste. Pour moi c’était un sujet très intéressant à aborder.
EsbiMédia: Vous vous attaquez à des genres assez inexploités et même craint dans le cinéma au Cameroun…qu’est-ce qui vous inspire? Qu’est-ce qui vous pousse à choisir un thème et pas un autre?
- Nous avons tellement à offrir aux spectateurs; je ne pense qu’il soit utile de toujours tourner autour des mêmes thèmes. Je suis davantage porté sur des histoires inspirantes, qui poussent à réfléchir et qui nous permettent de transmettre aux générations futures, notre patrimoine et notre richesse culturels.
EsbiMédia: À la base vous êtes un autodidacte, le cinéma vous a t-il toujours fasciné?
- Aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours aimé les belles histoires portées à l’écran. Le cinéma est une forme d’art qui m’a toujours fasciné. Adolescent, quand j’étais au collège, j’étais un inconditionnel du cinéma le Wouri; dans les bibliothèques je dévorais les revues spécialisées. Lorsque j’avais assez d’argent, j’achetais les revues spécialisées cinéma, j’ai vraiment toujours été un grand fan.
EsbiMédia: Faire le biopic d’une sommité comme Kankan, est-ce compliqué? Si oui, à quel niveau?
- Chaque biopic a ses difficultés, son lot de défis à relever. Pour le cas de Kankan, il a fallu acquérir les droits d’adaptation de sa vie, étant donné qu’il est déjà décédé, il fallait qu’on se rapproche de ses héritiers afin de signer un protocole d’accord. La deuxième difficulté c’est l’accès aux sources d’informations de l’homme qu’était Dieudonné Afana Ebogo. Après il faut préciser que c’est un film d’époque, il se déroule dans les années 90; au niveau des costumes et accessoires, il a fallu allouer un certain budget pour reconstruire l’environnement de cette époque, des costumes aux véhicules en passant par les radios cassettes et vinyles.
EsbiMédia: Le protocole d’accord que vous avez signé avec les héritiers avait-il des clauses financières et était-ce nécessaire?
- Alors il faut préciser que l’œuvre de Kankan est en proie à beaucoup de contentieux, il est important de signer des protocoles d’accords pour se mettre à l’abri de poursuites judiciaires. Cependant, concernant le contenu des documents, vous comprendrez que c’est confidentiel.
EsbiMédia: D’accord mais comment se fait le processus?
- Vous proposez un accord aux ayants droits, ils peuvent vous faire une contre proposition et ensuite vous vous discutez. Vous pouvez vous entendre, ou pas. Dans mon cas, nous avons pu trouver un terrain d’entente.
EsbiMédia: Vous avez dévoilé un teaser du long métrage, le 13 février dernier, comme un hommage… On y a vu quelques secondes qui poussent à la curiosité; à quoi doit-on s’attendre? Kankan comédien/Kankan l’homme?
- Les images du teaser ont été choisies à dessein, beaucoup de personnes s’imaginent qu’on va faire une espèce de compilation des aventures de Jean Miché Kakan mais jouées par un autre acteur; ce n’est pas le cas, c’est un vrai biopic, c’est pour ça qu’au début on voit Kankan assis dans son salon en train de réfléchir à une nouvelle pièce, puis on le voit s’apprêter à aller sur scène, avec du charbon et de la poudre blanche. C’est l’histoire de Dieudonné Afana qui sera ainsi racontée.
EsbiMédia: Le cinéma au Cameroun aujourd’hui est un embryon qui essaie de se développer, est-ce une satisfaction pour vous, acteurs majeurs de cette évolution?
- Le chantier du cinéma camerounais est énorme mais je sais qu’il y’a du talent, de la connaissance et de l’ambition donc j’ai bon espoir qu’il va se développer.
EsbiMédia: Vous avez produit « Minga la cuillère cassée« , avez-vous récolté des bénéfices importants?
- (Rires) le sujet est très sensible, je n’aime pas avoir à parler d’argent concernant ces productions. J’ai déjà eu des soucis à ce sujet et je préfère qu’on ne s’étale pas sur des questions pécunières.
EsbiMédia: Kankan est « en cuisine », la préparation s’effectue avec minutie, quand pourrions-nous regarder la B.A?
- Le tournage s’est déroulé en novembre et décembre dans 03 villes: Yaoundé, Mbankomo et Nkongsamba. Actuellement nous sommes en postproduction et la bande annonce pourrait être disponible en fin avril, début mai.
EsbiMédia: Claye Edou, merci.
- Merci à vous.
Interview menée par Almason.