SIMON PANAY : « L’AFRIQUE EST PROBABLEMENT LE CONTINENT QUI CONNAIT LE PLUS BEL ESSOR EN LA MATIERE… »

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Simon Panay a 30 ans depuis avril 2023 (né le 29 avril 1993). Il a soufflé à sa trentième bougie de la plus belle des manières : c’est l’année de sortie officielle du film « Si tu es un homme » (le 1er mars 2023). Son tout premier long métrage de sa vie de cinéaste passionné. Le français passionné de découvertes  renferme en lui une mine d’idées très riche et variée.  Loin de toutes spéculations, le Producteur, Producteur exécutif, Scénariste, Directeur de la photo, Cadre, Directeur de production et monteur, a fait du berceau de l’humanité sa banque d’images et du documentaire le socle de ses rêves d’enfance. Du Benin au Burkina Faso, ce réalisateur contemporain a réussi à scruter de plus près les mines d’or artisanales d’Afrique de l’Ouest les plus risquées. Connu pour son court-métrage « Ici, Personne ne Meurt », tourné dans une mine illégale du Bénin, projeté dans 71 pays et qui a remporté 133 prix en festivals, ce denier a élevé le niveau avec le film de 74 minutes « Si tu es un homme », un documentaire qui suit au pas les aventures d’un enfant de 13 ans qui va risquer sa vie dans une mine d’or pour des causes éducatives.  Simon Panay partage avec vous son expérience dans cette interview.

Esbi Media : Bonjour Simon Panay, merci de nous recevoir !

Bonjour. C’est avec plaisir !

Esbi Media : Si tu es un homme est votre premier long métrage. Combien de productions comptez-vous à ce jour?

Avant de réaliser « Si tu es un homme », j’ai réalisé trois courts-métrages documentaires, dont « Ici, Personne ne Meurt », tourné en 2015 dans la mine d’or clandestine de Perma au Nord-Bénin.

Esbi Media : Vous êtes originaire de Mâcon, qu’est-ce qui vous a inspiré à produire votre premier long métrage en Afrique plus précisément au Burkina Faso ?

Je fais des documentaires en Afrique de l’Ouest depuis douze ans maintenant, c’est au Burkina-Faso que j’ai appris à faire des films à l’âge de dix-huit ans, en me formant au côté de documentaristes burkinabè comme Souleymane Drabo. Je me suis profondément attaché au Burkina, que je considère comme mon deuxième pays.

Esbi Media : Au cours de cette expérience, avez-vous rencontré d’obstacles ?

Le chemin vers la réalisation de documentaires, ou des films de fiction d’ailleurs, est toujours semé d’embûches. Les obstacles sont nombreux et il faut savoir les surmonter. « Si tu es un homme » représente cinq ans de travail, dont deux ans de tournage. Une bonne partie du tournage s’est fait dans les galeries souterraines de la mine d’or, plus de deux cent mètres sous terre, au péril de notre vie. Mais une fois le film fini, je me dis toujours que cela valait la peine de se battre.

Esbi Media : L’enfant Opio mis en scène est un enfant mineur, comment s’est fait le choix de cet acteur ?

Opio est un jeune orpailleur que j’ai rencontré sur la mine d’or de Perma au Burkina-Faso. Je faisais un projet de collection photo sur les sites miniers, ce qui m’a amené à visiter une trentaine de mines d’or. Quand j’ai rencontré Opio, qui était âgé de treize ans à l’époque, c’est un garçon qui m’a fasciné. Il se dégageait de son regard quelque chose de très fort. On a appris à se connaître et j’ai fini par lui demander s’il était d’accord pour que le film. C’est comme ça qu’a débuté l’aventure

Esbi Media : Pourquoi avoir choisi le style documentaire pour cette production ?

« Si tu es un homme » est un documentaire. Il n’y a pas de scénario, pas d’acteurs, pas de préparation. Vous pourrez rencontrer tous les gens présents dans le film à la mine d’or de Perma. Pour moi, le monde des mines d’or artisanales n’a pas besoin de fiction. Le réel est déjà bien assez fort, avec des enjeux de vie ou de mort. C’est un monde de légendes et de mythologie, qui me fascine et me terrifie à la fois.

Esbi Media : Avez-vous de préférence de rôles dans le cinéma ?  Lesquels ?

Je pense que le rôle de documentariste me convient particulièrement bien. C’est un métier qui requiert de la patience, qui consiste la plupart du temps à attendre que quelque chose d’intéressant se passe pour pouvoir le filmer. Et souvent, il ne se passe absolument rien. On peut passer des semaines entières sans filmer. Mais quand un événement arrive, que ce soit une conversation ou autre, c’est un sentiment assez fort de le recueillir. On travaille sans filet de sécurité, si on rate la scène, qu’on n’était pas prêts ou qu’on l’a mal filmée, on ne pourra pas la refaire une deuxième fois.

Esbi Media : Quel est le déclic qui vous amène dans le 7e art?

Je fais des films depuis l’adolescence et c’est depuis l’âge de treize ans que j’ai su que je consacrerai ma vie à la réalisation de films. Il y a des films bien sûr, qui ont été pour moi des révélations de cinéma. Mais avant de les voir, c’est avant tout la magie de la fabrication filmique qui me passionne.

Esbi Media : Pouvez-vous nous parler de votre parcours de cinéaste (de la formation à la professionnalisation)

J’ai un parcours un peu atypique. À l’âge de quinze ans, je suis parti en internat à Lyon pour entrer au Lycée Lumière, qui proposait une option cinéma. Et après avoir obtenu mon baccalauréat, j’ai choisi de ne pas poursuivre mes études. J’ai commencé à réaliser des documentaires auto-produits. Je travaillais au salaire minimum dans les vignes de mes parents pour mettre assez d’argent de côté pour payer mes films. C’était difficile, mais j’ai beaucoup appris.

Esbi Media : En trois dates importantes, quels sont les faits que vous n’oublierez jamais dans votre vie?

Ma rencontre avec Opio, d’abord. On a partagé deux ans de nos vies et c’est un garçon qui m’aura marqué à jamais par son courage et sa volonté. Le jour où « Si tu es un homme » est sorti au cinéma en France, le 1er Mars 2023, c’était pour moi un rêve de gosse qui se réalisait. Et pour finir, je dirais chaque jour passé, où je mesure ma chance de pouvoir exercer le métier qui me passionne.

Esbi Media : Dans l’industrie cinématographique africaine, qu’est-ce qui vous a le plus marqué ?

L’industrie cinématographique africaine est riche et variée. C’est probablement le continent qui connaît le plus bel essor en la matière. Il y a des cinéastes émergents, avec des narrations singulières et c’est un vrai motif de réjouissance. Il n’y a qu’à voir le niveau des films présentés au Fespaco à chaque édition pour s’en convaincre. Mais il y a probablement deux industries bien distinctes, celle qui se tourne vers l’Occident et cherche à se calquer d’une certaine manière sur les attentes artistiques des festivals majeurs comme Cannes, Venise ou Berlin. Et puis il y a une industrie africaine, pour les africains. Et je dois dire que j’ai souvent plus de plaisir à regarder ces films-là, dans lesquels je retrouve ce pourquoi j’aime tant ce continent. Nollywood est bien sûr le porte-étendard de cette industrie-là, mais ils ne sont pas les seuls.

Esbi Media : Avez-vous une admiration particulière pour un cinéaste africain ? Lequel et pourquoi lui?

Je considère Souleymane Cissé comme un immense cinéaste. Il est de ceux qui ont une voix singulière, unique. « Yeelen » est pour moi un bijou de cinéma, un film qui ne ressemble à aucun autre.

Esbi Media : Pensez-vous que le cinéma nourrit-il son homme en Afrique comme en Europe ?

Il est difficile de répondre à cette question, car cela varie beaucoup selon les cas. Certains gagnent bien leur vie, d’autres doivent travailler à côté pour subvenir à leurs besoins. Ou alors faire des films d’entreprise, de mariage, des publicités, peu importe. Pour gagner sa vie en ne réalisant que des films de cinéma, il faut s’armer de patience et travailler sans relâche. Mais c’est un métier où il faut créer en permanence, même une fois qu’on a gagné en notoriété. J’ai la chance de vivre en France, qui est probablement le pays au monde qui défend le plus financièrement le cinéma d’auteur, qu’il soit d’initiative française ou étrangère. De nombreux cinéastes africains bénéficient d’ailleurs des aides du Centre National de la Cinématographie français, et c’est très bien.

Esbi Media : Quels sont vos projets à court et à long terme ?

Je vais réaliser un court-métrage de fiction au Sénégal en janvier, qui s’appelle « L’Enfant à la Peau Blanche » et je viens de terminer l’écriture d’un long-métrage de fiction, que j’espère tourner au Sénégal également, peut-être en 2025.

Esbi Media : Enfin, un conseil pour les jeunes aujourd’hui passionnés de cinéma et qui n’ont pas les moyens de se lancer.

On a la chance de vivre à une époque où créer des images est devenu relativement accessible. Beaucoup disent qu’on peut se lancer avec un téléphone, et je le crois. Ne croyez pas ceux qui vous disent que sans réseau ni argent, le chemin est impossible. Faites des films comme vous pouvez, avec ce que vous avez. Demandez de l’aide autour de vous, aidez les autres autour de vous. C’est cette entraide mutuelle qui vous fera avancer. Et surtout, inscrivez vos films dans des festivals. C’est crucial de les montrer, car cela vous offrira de la visibilité.

Esbi Media : Merci pour votre disponibilité

Le plaisir est partagé

Entretien mené par Cyrille Ella

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