CLAYE EDOU : « AVEC LE MYSTÈRE DE WAZA, J’ESPÈRE FAIRE DÉCOUVRIR LE PATRIMOINE CULTUREL DU GRAND NORD CAMEROUN »
Claye Edou, le réalisateur derrière le film d’animation très attendu « Le mystère de Waza » a accepté de répondre aux questions d’Esbimedia. Après le succès de son précédent film « Minga et la cuillère cassée« , Claye Edou revient avec une histoire captivante qui explore l’Afrique contemporaine, mettant en lumière le Grand Nord du Cameroun. Au cours de cet entretien, il a révélé les motivations qui ont guidé l’écriture de cette nouvelle création, les étapes de sa réalisation, ainsi que les détails sur le processus de co-production avec Canal+. Découvrez les coulisses de cette aventure artistique alors que « Le mystère de Waza » s’apprête à ravir les spectateurs dans les salles de cinéma à travers l’Afrique dès le 07 juin.
Esbimedia : De quoi parle le film ?
L’intrigue est centrée sur Abdul, Bilama, Moudio et Nguiamba. Ces quatre amis camerounais depuis leur jeunesse à Yaoundé, sont désormais étudiants à la toute nouvelle Université Scientifique du Sahel. Intrigués par des disparitions mystérieuses dans leur établissement, ils décident de mener l’enquête… Celle-ci les conduira au cœur d’un véritable trésor archéologique de la région : le Parc National de Waza.
Esbimedia – Qu’est-ce qui a motivé l’écriture du film d’animation « Le mystère de Waza » ?
Après « Minga et la cuillère cassée », je voulais proposer une histoire originale en premier lieu. Deuxièmement, lorsqu’on parle de l’Afrique dans les fictions, surtout dans les dessins animés, on propose souvent soit des contes très anciens de l’Afrique précoloniale, ce qui n’est pas une mauvaise chose puisqu’il est important de savoir d’où l’on vient, soit de l’afro-futurisme. Cependant, il y a tellement de choses sur l’Afrique d’aujourd’hui que l’on peut mettre en avant. Ma troisième motivation était que dans « Minga et la cuillère cassée », j’étais dans un contexte très forestier, principalement dans la grande partie méridionale du pays. Pour « Le mystère de Waza » je voulais explorer le Grand Nord, le Sahel. De plus, j’ai passé huit ans dans le Grand Nord, dont quatre ans pendant mon enfance et quatre ans en tant qu’étudiant. J’ai saisi cette occasion pour rendre hommage à cette belle région et à sa culture. Je voulais également mettre en avant une légende un peu oubliée qui n’avait pas encore été honorée sur grand écran. C’est donc une motivation multiple.
Esbimedia : Combien de temps a duré la production, de l’écriture jusqu’au rendu final ?
De l’idée jusqu’à la sortie du film, cela a pris six ans. J’ai commencé le développement et les recherches en 2018. La première version du scénario est sortie en avril 2019. Après avoir suivi la Talent Class de Durban, j’ai révisé mon scénario fin 2019 et j’ai commencé les enregistrements des voix. En 2020, il y a eu une longue pause due à la pandémie de COVID-19. J’ai repris en 2021 et en 2022, Canal+ est entré en jeu pour la co-production, ce qui m’a permis d’accélérer la production. La post-production s’est terminée début mai 2024. Donc, cela fait six ans d’aventure.
Esbimedia : Quel est le processus qui a permis à Canal+ de rejoindre l’aventure ?
Conformément à leur procédure, j’ai envoyé un dossier de demande de co-production comprenant le scénario, la fiche technique et des extraits vidéo. Ils n’ont pas répondu immédiatement, mais au fur et à mesure de mes avancées, j’ai envoyé des vidéos et une mise à jour financière de ma gestion. Petit à petit, ils ont fini par accepter le dossier après trois ans.
Esbimedia : Quelles sont les différentes étapes de la réalisation d’un film d’animation ?
La réalisation d’un film d’animation passe par plusieurs étapes. Tout d’abord, il y a l’écriture du scénario, comme pour tout projet cinématographique. Ensuite, vient la conception graphique des personnages, où il faut définir leur apparence. On procède ensuite à la création des environnements et des décors. Une fois cela fait, on passe au story-board, qui consiste en une représentation en bande dessinée du film de manière sommaire. Une fois que le réalisateur a approuvé le story-board, on passe au lay-out, où les plans du film sont présentés de manière plus aboutie avec les graphismes définitifs.
En parallèle, on commence les enregistrements des voix des personnages, que l’on associe au dessin du lay-out qui n’est pas encore animé. Cela donne une animatique, qui sert de base de travail pour les animateurs. Ensuite, on passe à la conception des décors et à l’animation des personnages sur ces décors, en se basant sur les enregistrements vocaux. Selon la technique utilisée, qu’il s’agisse de 2D ou de 3D, d’autres intervenants peuvent être impliqués. Dans notre cas, nous avons utilisé à la fois la 2D et la 3D. La 3D a été utilisée pour animer les véhicules et pour certains plans spécifiques, ce qui a nécessité le travail d’autres artistes en parallèle.
Toutes ces étapes sont assemblées progressivement pour chaque plan jusqu’à obtenir une version complète qui passe ensuite en montage. Après le montage, il faut ajouter les effets sonores en plus des voix et réaliser un mixage avant de tout assembler. Parallèlement, il faut également penser à la musique, qu’il s’agisse de chansons ou de musiques instrumentales, qui accompagnera les différentes scènes. Voilà le processus de réalisation d’un film d’animation.
Esbimedia : Quelques faits marquants du film ?
Les gares ferroviaires de Yaoundé et Ngaoundéré apparaissent dans le film telles qu’elles sont dans la réalité. Quant à l’Université Scientifique du Sahel, le lieu est totalement fictif.
Le lion Sam présent dans le film est un clin d’œil à un lion homonyme qui vivait en captivité dans les années 80 au sein du campus de l’Ecole de faune à Garoua, ville du Nord Cameroun où j’ai passé la dernière partie de mon enfance.
Pour être en accord avec les étudiants camerounais d’aujourd’hui, je me suis entretenu avec plusieurs d’entre eux pour en savoir plus sur leur mode de vie et leur rapport aux différentes technologies auxquelles ils ont accès.
Toutes les voix ont été enregistrées avant que l’animation ne soit exécutée car les dialogues devaient servir de référence aux animateurs.
Esbimedia : Qu’est-ce qui justifie le choix du casting ?
Le choix du casting se fait de différentes manières. Certains acteurs ont passé des auditions, tandis que d’autres ont été choisis lors de l’écriture du scénario. Par exemple, j’ai écrit le personnage de Moustik Karismatik en pensant à lui. Pour Daniel NDO, c’était pareil. C’est une personne qui pouvait apporter le charisme nécessaire à son personnage.
Le casting complet est constitué de Barthelemy Doulann, Lisette Waffo, Philippe Lontsi, Gaêlle Ekounda, Daniel Ndo, Moustik Karismatik, Axel Abessolo, Jeanne Mbenti, Anthéricis, Patrick Oyono, Samuel Kotto et Hervé Nguetchouang.
Esbimedia : Quels sont vos ambitions avec cette nouvelle production ?
Sur le plan visuel, mon ambition est de faire vivre aux spectateurs une aventure digne de celles d’Indiana Jones ou du Club des cinq avec un style d’animation oscillant entre influences américaines et japonaises, tout en y ajoutant une bonne dose de sensibilité graphique purement africaine. J’ai eu la chance de pouvoir travailler avec de jeunes artistes de talent et une équipe renforcée, ce qui nous a permis de relever considérablement le niveau technique. De plus, plusieurs comédiens qui sont des vedettes confirmées au Cameroun ont prêté leur voix aux personnages.
Avec LE MYSTÈRE DE WAZA, j’espère sincèrement susciter l’enthousiasme du jeune public en leur faisant découvrir une région du Cameroun peu connue tout en attirant leur attention sur des thèmes d’actualité comme la préservation du patrimoine national, l’albinisme, la tolérance, la protection des animaux et l’écologie.
Esbimedia : Comment se déroulera la diffusion du film ?
« Le mystère de Waza » sortira officiellement en salles le 7 juin. Il sera disponible dans tous les circuits de salles en Afrique. Nous aurons deux Avant-Première juste avant, le 22 mai à Douala et le 29 mai à Yaoundé.
Propos recueillie par Sidoine FEUGUI