TETE A TETE – STEVE TIENTCHEU : « NE DEVENEZ PAS ACTEUR SI VOUS VOULEZ ÊTRE UNE STAR»
Steve TIENTCHEU fait sensation dans le cinéma en France depuis plus d’une dizaine d’années. Après une formation en art théâtrale, le franco-camerounais jouit d’une riche expérience au grand écran tout comme au petit écran. De 2011 à 2023 il totalise une apparition dans près de 7 séries télévisées, 25 longs métrages et 11 courts métrages. Au cours d’une récente visite au Cameroun, en tant qu’invité d’honneur des LFC Awards acte 6, l’acteur et réalisateur a accepté de répondre à nos questions. Il partage avec nous ses expériences les plus marquantes au théâtre comme au cinéma. Steve livre également les cinq éléments clés pour être un bon acteur.
Esbimedia – Qu’est-ce qui vous a marqué durant votre séjour au Cameroun ?
Déjà c’est une grande fierté pour moi d’être invité d’honneur des LFC Awards 6 au Cameroun. C’est un signe que mon pays d’origine, le pays de mes parents, reconnait mon travail.
Ce qui m’a le plus marqué, c’est la motivation des Camerounais pour le septième art. Que ce soit les acteurs, les réalisateurs, les producteurs, les techniciens… cette motivation m’a vraiment impressionné. Pour être honnête, je ne savais pas que les Camerounais aimaient autant le cinéma. Dans nos esprits, le Cameroun est uniquement associé au football. Maintenant, avec la fierté que représente Francis Ngannou pour le pays c’est bien plus que cela. Je constate que les Camerounais aiment le cinéma et sont passionnés par ce métier. C’est vraiment magnifique !
Esbimedia – Avez-vous déjà participé à une production camerounaise ?
Au Cameroun, jamais ! En France, oui ! J’ai déjà travaillé avec le camerounais Thomas Ngijol, sur son long métrage ‘‘Black Snake, la légende du serpent noir’’.
On ne m’a jamais appelé pour venir travailler au Cameroun. Ce serait intéressant et formidable pour moi de travailler dans mon pays, de participer à un grand tournage. Je serais très heureux. J’ai déjà eu l’occasion de le faire en Côte d’Ivoire et cela s’est bien passé. Alors pourquoi pas au Cameroun ?
Esbimedia – Durant les LFC Awards, vous avez animé une Masterclass sur le jeu d’acteur. Pouvez-vous nous en faire un résumé ? Qu’a-t-il été dit ?
J’ai parlé de mon parcours. J’ai commencé le théâtre à l’âge de vingt-cinq ans. J’ai suivi des cours de théâtre dans une école réputée à Paris appelée Le Cours Simon. Ensuite, j’ai suivi un cours de mime, de clown… C’était un cours particulier, mais cela m’a beaucoup appris. Ensuite, j’ai suivi une formation d’acteur face caméra. Il s’agit d’une méthode de jeu basée sur les émotions, où l’on ne réfléchit pas trop. C’est une école appelée l’Actors Factory.
J’ai expliqué comment je prépare mes rôles. Cela nécessite de bien comprendre mon personnage, de faire des recherches sur qui il est, ce qu’il aime, ses motivations dans le scénario, ses peurs, ses émotions. Tout cela, je le recherche quand je prépare un rôle.
Esbimedia – Pouvez-vous nous parler de votre tout premier rôle au cinéma ?
Mon tout premier rôle au cinéma était dans un film appelé « Rengaine ». En réalité, j’ai commencé par jouer dans une série télévisée intitulée « Braquo » sur Canal+, lors de sa deuxième saison. Cette série était très attendue et cette deuxième saison a d’ailleurs été un énorme succès. Elle a même remporté le International Emmy Awards 2012 de la meilleure série dramatique. J’y avais un très bon rôle, bien que mineur, mais qui a été remarqué.
Mon tout premier rôle au cinéma était dans le film « Rengaine », réalisé par Rachid Djaïdani. Ce film était particulier car il a été réalisé sur une période de neuf ans, sans avoir un gros budget. Le réalisateur se promenait avec sa caméra et arrêtait les gens dans la rue en leur demandant s’ils voulaient jouer dans son film. Il racontait son histoire et expliquait ce dont il avait besoin pour les scènes. Pendant neuf ans, il avait toujours sa caméra avec lui. Il était un loup solitaire et sa caméra était son arme. Comme beaucoup d’autres réalisateurs, il utilisait sa caméra pour répondre aux agressions. « Rengaine » c’était donc mon premier film. J’y avais une scène qui a été très remarquée, vraiment très remarquée. Le film a même été sélectionné à « La Quinzaine des Réalisateurs ». Voilà comment s’est déroulée ma première expérience cinématographique.
Esbimedia – Comment s’est faite votre rencontre avec ce réalisateur ?
J’ai rencontré ce réalisateur grâce à ma grande sœur de coeur, Alice DIOP, qui a réalisé un documentaire sur moi intitulé « La mort de Danton ». Pendant ma formation théâtrale, elle m’a suivi pendant deux ans et demi avec sa caméra. Elle a documenté ma formation en tant que jeune acteur dans une école de théâtre à Paris. C’est Alice DIOP qui m’a mis en contact avec Rachid Djaïdani. Nous nous sommes rencontrés et nous avons eu un bon feeling. Il m’a dit de venir le lendemain pour tourner une scène dans son film, et c’est ainsi que j’ai tourné ma scène.
Esbimedia – Est-ce qu’un bon comédien de théâtre est forcément un bon acteur de cinéma ?
Un bon comédien est quelqu’un qui travaille ses rôles. Tu peux suivre une formation de théâtre, mais si ensuite tu ne travailles pas les rôles qui te sont donnés, cela ne sert à rien. Tout le monde s’entraîne à la boxe, mais lorsque tu as un combat, il faut t’entraîner encore plus. Sinon, lorsque tu montes sur le ring, tu seras rapidement mis KO. La formation est la base, c’est une préparation. C’est tout. Un bon comédien est quelqu’un qui prépare ses rôles.
Esbimedia – Du théâtre au cinéma, vous vous sentez plus à l’aise au théâtre ou au cinéma ? Pour quelle raison ?
Le théâtre représente pour moi un grand défi, car au théâtre, on ne peut pas mentir. Le théâtre est direct. Il faut être bon immédiatement. En revanche, au cinéma, on peut mentir, prendre plus de temps, refaire une scène si elle n’est pas bien… Le théâtre est un exercice d’équilibre. Quant au cinéma, une chose magnifique est de voir son visage sur un grand écran. C’est comme les étoiles, c’est un rêve. Il y a quelque chose de beau. Le théâtre, c’est du direct. Les deux sont complémentaires, il n’y a pas de différence.
Esbimedia – Pouvez-vous partager les coulisses de la pièce de théâtre qui vous a le plus marqué ?
J’ai suivi une formation théâtrale, mais après avoir terminé mes études, je n’ai pas beaucoup fait de théâtre. J’ai joué dans une seule pièce de théâtre qui m’a profondément marqué. Il s’agit de « Don Juan » de Molière. Cette histoire m’a laissé une forte impression. Ensuite, il y a une pièce d’Arthur Miller appelée « Vu du pont ». C’est une pièce qui parle d’un immigrant italien qui arrive à New York et tombe amoureux d’une jeune fille. Cependant, le père de la jeune fille s’oppose à leur relation en raison de son statut d’immigrant. Cette pièce est vraiment magnifique.
Esbimedia – Est-ce que vous pouvez partager les coulisses d’un plateau de tournage qui vous a le plus marqué positivement ou négativement ?
Je n’ai que de bons souvenirs de pratiquement tous les plateaux de tournage où j’ai travaillé. Je garde un excellent souvenir des ‘‘Misérables’’. C’est tout à fait normal car ce qui s’est passé en coulisses était vraiment extraordinaire. Il y a aussi le film ‘‘Bâtiment 5’’, sorti le 6 décembre 2023, ainsi que la série Netflix ‘‘Furies’’ que j’ai beaucoup appréciée. Un autre film qui m’a marqué est ‘‘La Fille du patron’’ en 2014, en raison de l’ambiance incroyable avec les acteurs, les techniciens et tout le reste.
En fait, l’expérience dépend en réalité de l’énergie présente sur le plateau. Si le réalisateur est sain d’esprit, si le premier rôle est sain d’esprit, si tout le monde est en phase, y compris les techniciens, alors tout se passera bien. Mais si le réalisateur fait des choses étranges, si le premier rôle a une attitude prétentieuse, ce genre de choses, je n’apprécie pas tellement.
Esbimedia – Vous avez également une casquette de réalisateur avec votre court métrage ‘’La Chimère’’. Qu’est-ce qui est le plus difficile entre le métier d’acteur et de réalisateur ?
Je vais citer une phrase un peu à la Walt Disney : « Non, ce n’est pas difficile » avec un sourire. En réalité, il faut accepter la patience. En tant que réalisateur, il faut être patient. Parfois, la réalisation d’un film peut prendre 3 ans, voire 10 ans, et il faut être prêt à l’accepter. Mais une fois sur le plateau, tout est magnifique en tant que réalisateur. Ce sont des métiers que l’on exerce par passion. On sait où l’on met les pieds. Tout ce qui se passe fait partie intégrante de ce métier. L’attente… quand on écrit… Quand on est sur le plateau, on doit gérer les acteurs, gérer l’équipe technique. Cela peut sembler difficile, mais c’est une part inhérente de ce métier, et c’est ce que l’on aime. Si nous sommes sur un plateau pour exercer un métier, c’est parce que nous aimons cela. De même, en tant qu’acteur, on ne monte pas sur scène si on n’aime pas cela. Ne devenez pas acteur si vous voulez être une star. Ne faites pas ce métier. Il faut être acteur parce que vous avez des choses à dire, parce que vous avez envie de vous connaître, et plus encore, parce que vous avez envie de vous dépasser. Ce sont les raisons pour lesquelles il faut être acteur. Vous deviendrez peut-être une star, mais laissez les gens faire de vous une star. C’est votre travail qui prouvera si vous êtes une star ou non.
Esbimedia – Quels sont les cinq éléments indispensables pour être un bon comédien ?
(1) Suivre des cours : (2) Croire en ses rêves ; (3) Être respectueux envers toute l’équipe technique lorsque vous arrivez sur un plateau, respecter les techniciens, les figurants, respecter le réalisateur, car sans eux, vous ne seriez rien du tout. Vous ne pouvez pas jouer tout en portant la caméra et la perche. Il y a des personnes qui portent la caméra et la perche pour vous permettre de jouer, et il est important de les respecter. (4) Travailler dur, se préparer beaucoup. Le cinquième élément est le plaisir. Lorsque vous êtes sur le plateau, amusez-vous, donnez tout. Donnez tout lorsque vous êtes sur le plateau. (5) Amusez-vous. Ce sont les cinq éléments qui, selon moi, peuvent faire de vous un bon comédien.
Propos recueillis par Sidoine FEUGUI