TÊTE À TÊTE FRANÇOISE ELLONG : « L’IDÉE D’EWUSU M’EST VENUE EN 2017 »

Dans cette interview accordée à Esbimedia, la réalisatrice et scénariste camerounaise a accepté de partager les coulisses de « Ewusu ».
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Le 14 avril 2024 marquait la fin de la diffusion de la série camerounaise « Ewusu » sur les antennes de CANAL+PREMIERE. Cette œuvre originale, réalisée par Françoise ELLONG-GOMEZ, a su conquérir le cœur des téléspectateurs depuis sa première diffusion le 11 mars 2024. Dans cette interview accordée à Esbimedia, la réalisatrice et scénariste camerounaise a accepté de partager les coulisses de « Ewusu ».

Esbimedia – Concernant le scénario… Est-ce que le producteur vous a commandé le scénario ou bien avez-vous écrit le scénario et vendu au producteur juste après ?

L’idée d’EWUSU m’est venue en 2017. Je voulais en faire une web-série. J’ai fait une tentative d’écriture avec une auteure que je connaissais, qui est d’origine camerounaise et basée à Paris. Cependant, cela ne m’a pas convaincu, non pas parce qu’elle n’est pas une bonne scénariste, mais parce que ce n’était pas l’univers dans lequel je voulais me plonger. Je lui ai clairement dit que j’allais reprendre tout depuis le début. J’ai donc repris le projet de mon côté. Plus tard, Wouri Entertainement m’a contacté en me disant qu’ils voulaient une série écrite par moi. Je leur ai proposé l’idée et cela leur a plu, c’est ainsi que nous nous sommes lancés dans ce projet. L’idée a été achetée par Wouri, et nous avons travaillé dessus pendant presque deux ans. J’avoue que cela a été un peu difficile en raison de divers problèmes personnels. Cela avançait lentement mais sûrement.

Le moment où Canal+ entre en jeu… c’est lorsque j’ai reçu un appel de Cécile GÉRARDIN qui me demandait si j’avais une idée de série. J’ai présenté le projet à Canal+ et ils ont été emballés. Ensuite, j’ai demandé l’autorisation à Wouri d’envoyer les éléments que nous avions déjà à Canal+. C’est à partir de là que la collaboration avec Canal+ a commencé.

Esbimedia – Concernant la réalisation… Sur quelle base avez-vous effectué le casting ?

Le casting s’est fait sur la base du scénario, des profils recherchés et de la psychologie des personnages. La première question était de savoir qui correspondait physiquement à ce que nous recherchions. Ensuite, nous devions prendre en compte l’expérience ou l’inexpérience de l’acteur, ainsi que son potentiel et ce que nous souhaitions tirer de lui.

Je suis quelqu’un qui observe beaucoup les comédiens. Je peux passer quatre ou cinq ans à observer un comédien sans même qu’il ne s’en rende compte. Et un jour, je peux lui proposer un projet. Cela a été vraiment le cas pour EWUSU… Les trois quarts des personnes que j’ai sollicitées ne s’y attendaient pas. Je ne savais même pas que je voudrais un jour travailler avec eux, ils ne savaient rien. J’observe… Les réseaux sociaux ne servent pas seulement à publier des choses pour amuser la galerie, ils me permettent aussi d’observer qui fait quoi et comment la personne le fait.

J’ai fait le casting des rôles principaux. Ensuite, Arnaud NDOM a organisé le casting des acteurs secondaires et tertiaires.

Esbimedia – Combien de temps a duré le tournage ? Et qu’est-ce qui vous a le plus marqué pendant ce tournage ?

Le tournage a duré dix semaines.

Ce qui m’a le plus marqué, c’est à quel point nous regardions tous dans la même direction. Nous savions tous où nous allions et nous étions tous d’accord pour suivre cette direction. Nous avons tous donné le meilleur de nous-mêmes. De plus, c’était une équipe de jeunes, une équipe africaine dynamique, composée principalement de Camerounais.

Esbimedia – Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées pendant la production ?

La principale difficulté était liée aux intempéries. Parfois, nous avons eu des averses de cinq heures, ce qui rendait impossible de tourner pendant ce laps de temps. Il nous est arrivé de devoir reporter une journée de tournage en raison de la pluie. C’était très difficile à gérer.

En ce qui concerne le reste, les riverains ont été très accueillants… les gens nous ont vraiment ouvert leurs portes. Je pense même que la ville était d’accord pour que nous tournions, c’est du moins ce que j’ai ressenti.

Esbimedia – Parmi tous les sites de tournage que vous avez visités, quel est celui qui vous a marqué en particulier ?

Je dirais que le Cabinet du docteur Soye à l’Auberge Bleue à Odza nous a vraiment marqués, car nous avions l’impression de tourner le film avec les habitants du quartier. L’ambiance était vraiment particulière, et quand nous n’étions pas là, ils nous cherchaient. Quand nous ne tournions pas là-bas, cela nous manquait. Le cabinet était un peu comme notre nouvelle maison.

On a fait partie de la vie du quartier pendant un certain temps, et nous avons vraiment tout fait pour que le quartier puisse profiter de notre présence dans tous les sens du terme. Ce qui m’a le plus marqué, c’est l’accueil chaleureux que nous avons reçu du quartier et la façon dont les habitants nous considéraient. Quand nous n’étions pas là, ils nous manquaient vraiment. Nous avons développé une véritable relation avec ce quartier, et les habitants étaient habitués à nous voir. Nous nous sentions bien lorsque nous allions tourner au cabinet à ODZA.

Esbimedia : Après la diffusion sur Canal+ Première, êtes-vous satisfaite du résultat final ?

Le mot « satisfaite » est faible pour décrire mon sentiment. Je suis extrêmement fière de ce que nous avons accompli. Je suis très satisfaite de ce que nous avons offert au public, et je suis ravi que le public ait adhéré à notre série. Bien sûr, tout n’est pas parfait, car personne ne peut être parfait. Mais je n’ai absolument aucun regret. À aucun moment je me suis dit que j’aurais pu faire les choses différemment. Nous avons fait exactement ce que nous devions faire, et nous l’avons fait du mieux que possible selon notre point de vue. Maintenant que la série a été présentée au public, elle ne nous appartient plus. Elle est entre les mains du public, et c’est à lui de décider de ce qu’il en fera. Et jusqu’à présent, le public a répondu de manière très positive. La série est déjà terminée, il reste quelques rediffusions, mais les téléspectateurs sont toujours là… ils attendent la saison 2.

On a beaucoup parlé d’Ewusu, non seulement au Cameroun, mais aussi dans de nombreux pays d’Afrique. Beaucoup de gens ne savent même pas ce que signifie Ewusu. Aujourd’hui, tout le monde se demande ce que signifie Ewusu. Je pense que nous avons réussi à célébrer notre diversité en mettant en avant un mot camerounais, un mot d’une langue camerounaise, et pour moi, cela n’a pas de prix.

Esbimedia : Peut-on s’attendre à une deuxième saison ?

La réponse à cette question ne dépend pas de moi. Il est vrai que le public réclame beaucoup une deuxième saison, et la fin de la série suggère également une suite. Il y a de nombreux facteurs à prendre en compte. Personnellement, en tant que scénariste et réalisatrice, je pense que cette histoire mérite une deuxième saison, en raison de l’équipe et de l’énergie que nous avons investies pour raconter l’histoire du docteur Soy, de ses passions et de ses proches. Maintenant, tout dépend de la production, car c’est elle qui a le dernier mot.

Esbimedia : Pouvez-vous estimer le coût de la production ?

Ce n’est pas possible. Je suis réalisatrice, je peux juste vous répondre sur les aspects techniques et artistiques, mais en ce qui concerne la production, vous devez interroger la production elle-même.

Esbimedia : En tant que promotrice de la cérémonie de récompense LFC Awards, quand la série sera-t-elle introduite dans la compétition officielle ?

Je dirais jamais. Pourquoi ? Parce que le LFC Awards est une cérémonie dédiée au cinéma. Je pense qu’il serait préférable d’avoir une cérémonie distincte dédiée aux séries. Le LFC Awards n’a pas pour vocation d’inclure une catégorie pour les séries, car il se concentre principalement sur le cinéma. Donc cela n’arrivera pas. Cependant, il existe d’autres festivals qui ont intégré les séries dans leurs catégories, comme le Festival Écrans Noirs et le Festival Douala Série.

Esbimedia : Quel est votre regard sur l’évolution du cinéma camerounais ?

J’ai toujours eu un regard positif sur l’évolution du cinéma camerounais. Depuis plusieurs années, je répète partout que le cinéma au Cameroun est sous-estimé, mais ce qui manque dans notre génération, c’est un brin d’humilité. Si nous étions un peu plus humbles, nous irions beaucoup plus loin. Mais je pense que nous commençons à comprendre l’importance de raconter des histoires qui nous ressemblent, de belles histoires. Une fois que nous avons compris cela, je crois que tout ira de mieux en mieux.

J’ai toujours eu un regard positif, et c’est d’ailleurs ce qui m’a poussé à prendre des initiatives. C’est la raison pour laquelle j’ai créé le LFC (Le Films Camerounais), car je crois qu’il est essentiel de montrer aux Camerounais d’abord, puis au monde ensuite, qu’il existe de bons films au Cameroun et des films auxquels on peut avoir confiance. C’est vraiment le message que je souhaite transmettre.

Propos recueillis par Sidoine FEUGUI

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