TÊTE À TÊTE – DENEUVE DJOBONG : « MON PREMIER GROS CACHET ÉTAIT DE PRÈS DE DEUX MILLIONS DE FCFA »

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Deneuve Djobong est une véritable force de la nature dans le paysage artistique camerounais. Comédienne, actrice et metteur en scène accomplie, elle a su s’imposer aussi bien sur les planches que sur les écrans, développant au fil des années une carrière impressionnante et diversifiée. Dans cette interview accordée à EsbiMedia, l’actrice qui enregistre déjà plus de 30 années de carrière revient sur son riche parcours entre théâtre et cinéma. Elle ne manque pas d’encourager les jeunes à plus de discipline et de conscience professionnelle car le cinéma « n’est pas un métier favorable aux ‘‘partisans du moindre effort’’ ».

EsbiMedia – Quels ont été vos plus grands défis en tant que comédienne, actrice et metteur en scène ? Comment avez-vous réussi à les surmonter ?

De manière globale, pour les gens de ma génération, les difficultés liées à mes différentes casquettes se résument au manque de centres de formation classiques, d’infrastructures appropriées, l’inexistence de salles de spectacles, le manque de réseaux sociaux au début de ma carrière. Certes, nous avions beaucoup de possibilités de voyage.

Dans ce contexte, j’ai dû me battre pour saisir chaque occasion qui se présentait à moi au Cameroun comme à l’étranger, tant pour les formations, les créations, les tournées que les productions. Il serait ingrat de ma part de ne pas rendre hommage à tous les aîné(e)s qui m’ont tenu par la main, chaque fois qu’ils en avaient l’ouverture. Je n’ose pas m’aventurer à les citer ici, de peur d’en oublier certains.

EsbiMedia – Parmi les nombreux rôles que vous avez interprétés, lequel vous a le plus marqué et pourquoi ?

Pour être objective, le rôle de Maman ADJANA dans « La nouvelle épouse » de Marcelle Kuetche, et celui de Maggy dans « La Bataille des chéries » de M. Ebénézer Kepombia, à cause de la nature des rôles qui m’ont été confiés.

EsbiMedia – Comment travaillez-vous vos rôles pour donner le meilleur de vous-même ?

C’est en réalité beaucoup de gymnastiques qu’il faut opérer pour y parvenir. Tout passe par une lecture approfondie et constante du texte, les échanges permanents avec le réalisateur pour m’assurer que nous sommes sur la même longueur d’ondes pour éviter de dénaturer sa pensée et ses attentes, l’appropriation du rôle, l’accommodation avec les autres acteurs qui ont un lien direct avec mon rôle ainsi que les techniciens…

EsbiMedia – Vous est-il déjà arrivé de refuser un projet ? Pourquoi ?

Oui. Par exemple quand les rôles ont tendance à se ressembler. Quand les textes ou répliques sont redondants. Quand l’aspect dramatique du personnage n’est pas assez fort et que le réalisateur est radical.

EsbiMedia – Vous est-il déjà arrivé de rester coincée dans la peau d’un personnage ? Comment dissocier sa propre personnalité de celle de son personnage ?

Cela ne m’est pas encore arrivé. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles certaines personnes estiment que je ne sais rester star.

EsbiMedia – Quel est le montant du plus gros cachet que vous ayez déjà reçu dans votre carrière d’actrice ?

Mon premier gros cachet était au théâtre dans les années deux mille, lors d’une tournée européenne avec le spectacle « Ubu roi » de la compagnie Les Acteurs de bonne foi de Strasbourg, où j’ai gagné plus de 3000 euro soit 1.965.036 FCFA.

 EsbiMedia – En mai 2024, vous avez réalisé votre premier long-métrage « Ma Face Cachée ». Qu’est-ce qui vous a motivée à passer derrière la caméra ?

En toute sincérité, je n’avais pas en projet de passer d’actrice à réalisatrice au moment où ce projet de film était conçu. Il s’est avéré qu’à la dernière minute, à cause des moyens financiers limités, nous ne puissions pas recruter un réalisateur. C’est ainsi que ma coproductrice m’a proposée de prendre les choses en mains. Elle a utilisé comme arguments, mon expérience en tant que metteur en scène, et surtout mon ancienneté en tant qu’actrice. J’ai pris le gros risque de m’engager dans cette aventure. J’avoue que le résultat de cette première expérience m’a personnellement surpris, si je m’en tiens aux réactions de certains professionnels après la projection de l’avant-première.

EsbiMedia – Quel est le plus beau souvenir que vous gardez de la phase de production de ce film ?

Je pense avant tout à l’ambiance, l’harmonie et la symbiose qui ont régné sur le plateau de tournage entre les acteurs, les techniciens, bref toute l’équipe de production. Il est arrivé aussi qu’on tourne pendant 24 heures non-stop, pour pouvoir respecter les délais et libérer un des sites.

EsbiMedia – En près de trente ans de carrière, quelle est votre plus grande fierté ?

Ma plus grande fierté c’est d’avoir, contre vents et marrées, réussi à me donner un nom ‟significatif″ au milieu d’autres grands noms que compte notre pays dans ce domaine, surtout parmi les femmes.

EsbiMedia – Que souhaiteriez-vous transmettre aux jeunes générations de cinéastes camerounais qui vous regardent comme une source d’inspiration ?

A mon avis, il s’agit d’une carrière, d’un art, je dirai même de tout un métier. C’est chacun qui forge sa carrière. Selon qu’on se forme, selon qu’on est discipliné, selon qu’on développe la conscience professionnelle, etc., on peut inéluctablement gravir les échelons, et pourquoi pas, se hisser un jour au panthéon !

Personnellement, j’encourage tous les jeunes qui m’approchent et manifestent l’intention de se lancer dans ce métier. Je ne manque pas souvent de leur dire qu’il ne s’agit pas d’un métier favorable aux « partisans du moindre effort ». Pour s’y engager, il faut se préparer à affronter des difficultés, tout comme un jeune qui va à un recrutement militaire et qui s’attend à des défis à relever. Comme quoi, il n’y a pas de métier à sous-estimer.

Propos recueillis par Sidoine FEUGUI

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