TETE A TETE AVEC JOSEPH AKAMA, REALISATEUR CAMEROUNAIS

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« LES ACTEURS CAMEROUNAIS SE DEMARQUENT ASSEZ BIEN…IL FAUT JUSTE QU’ON ESSAIE DE S’ORGANISER ET QU’ON ESSAIE DE SE METTRE ENSEMBLE, PARCE QU’ON EST ENCORE UN PEU TROP INDIVIDUALISTE AU CAMEROUN. »

Pour le réalisateur camerounais, Joseph Akama, il est urgent de passer en revue la façon d’agir des cinéastes camerounais. L’industrie cinématographique camerounaise connait des étoiles capables de faire luire les couleurs de son pays au-delà de ses frontières. Le seul problème serait la mentalité des uns et des autres, cinéastes, producteurs et surtout la chaine de distribution. D’après ses dires et ainsi que ceux de ses paires, la pratique du cinéma au Cameroun manque parfois de rationalité. Pour sa deuxième sortie chez Esbi Media, le réalisateur du film « Kankan », sorti en 2022, cherche les voies pour moderniser et équilibrer la pratique de ce beau métier dans un pays pétri de talents du 7e art. Loin de toutes les rivalités, les pratiquants de cinéma au Cameroun gagneraient à travailler en synergie, afin de consolider l’existence d’une industrie cinématographique dite camerounaise. Dans un entretien exclusif, Joseph Akama partage avec vous son expérience.

Esbi Media : Bonjour Monsieur Akama, merci de nous recevoir.

Bonjour, le plaisir est partagé !

Esbi Media : Avant toutes choses, comment vous sentez-vous d’être interviewé par un magazine web camerounais ? Vous êtes à votre quantième expérience ?

 Je ne compte pas les expériences, je ne sais pas exactement la quantième j’en suis. Mais j’ai toujours un plaisir à partager et à donner mon avis. Je suis fier de  m’exprimer et de faire comprendre mon univers aux gens. C’est toujours un plaisir.

Esbi Media : Derrière votre carrure de jeune cinéaste se cache un visionnaire aguerri du 7e art. Racontez-nous comment vous êtes arrivé dans cet univers.

  A la base, je suis un  grand fan de lecture et d’art en général. Depuis très jeune, j’ai regardé des dessins animés et j’ai lu beaucoup lu des romans aussi. Étant né dans une grande famille où il n’y avait que des filles, je n’avais presque pas de contemporain Mal. C’était un peut difficile pour moi de m’entendre avec elles, de jouer avec elles. Du coup je me suis renfermé sur moi très tôt. J’ai commencé avec la lecture, les romans, les dessins aussi. Je m’enfermais des heures seul. Juste moi, mes stylos et mes feutres. Puis plus tard, je rencontre Simon Samyong qui est monteur actuellement à la CRTV. C’est avec Sammy que je fais mes premiers pas. Il m’a appris le montage, il m’a aussi appris l’analyse critique des films. Je me rappelle qu’on faisait des soirées à regarder des films. À la base moi je ne me voyais pas faire carrière dans le cinéma. Je voulais plutôt être informaticien. Mais j’ai eu le déclic au Gce Advanced Level. Et c’est là que je me suis dit que je peux faire dans le cinéma. J’ai découvert que j’aimais raconter des histoires, j’avais un imaginaire et que je gagnerais à inviter les gens pour les mettre sur scène. C’est dans ce sillage que je présente mon dernier examen du cycle secondaire. Ayant suivi un parcours purement scientifique, je me lance à la dernière minute et je fais un baccalauréat littéraire. Par la suite, je m’inscris à art et  spectacle à l’université de Yaoundé 1 Ngoa Ekelle. Là, je chemine pendant un petit bout avec la boite de production « inception » et puis je prends mon envol. Je réalise ensuite « Western », avec Rostand  Wandja qui remporte le prix du meilleur scénario en 2019 et le prix du meilleur film dans la catégorie « Dix Jours Pour Un Film » aux Ecrans Noirs. Puis mon deuxième court métrage « Into The Den » une année plus tard. Une année après je produits mon premier long métrage KANKAN.

Esbi Media : Justement parlant de votre expérience, avez-vous suivis d’autres formations particulières dans le cinéma en dehors de l’Université de Yaoundé 1?

J’ai fait une formation en montage vidéo. A l’université, on nous a un peu donné les bases du cinéma. C’est à l’université que je commence à m’intéresser à l’écriture des scénarios, que je fais des recherches dans ce sens et avec des plateaux de tournage aussi. Il y a par exemple la boite de production « Inception », qui m’a offert une expérience de terrain. J’ai aussi fait des ateliers du Festival National des Arts et de la Culture (Fenac), avec Victor Viyuoh.  Je pense que c’est ce qui est de  la formation. Le reste, je pense que je suis un autodidacte, je passe beaucoup de temps à faire des recherches personnelles pour essayer de m’améliorer sur le plan individuel. …

Esbi Media : Comment appréciez-vous la pratique du cinéma au Cameroun ?

Je pense que c’est bien. On est sortie d’une longue période de vide et au fur et à mesure, on a des films qui sortent et qui sont de meilleure qualité. C’est une bonne chose. La pratique du cinéma au Cameroun manque encore beaucoup de maître. On n’a pas encore assez de réalisateurs qui maîtrisent la mise en scène, la direction d’acteurs… Mais ça  viendra. On n’a pas encore des scénaristes qui savent raconter des histoires, mais ça viendra aussi. Par contre, je suis fière du jeu d’acteur. La performance des acteurs est remarquable. Les acteurs camerounais se démarquent assez bien. Ça veut dire que les choses sont là, il faut juste qu’on essaie de s’organiser et qu’on essaie de se mettre ensemble parce qu’on est encore un peu trop individualiste. Et ça nous empêche d’avancer. Quand je regarde au Nigeria par exemple, je vois à quel point ils sont soudés, je regarde ailleurs, en Afrique de l’Ouest, je me demande pourquoi ça nous manque. Qu’est-ce qu’on devrait faire pour réussir à mettre les égos et les individualités de côté pour pouvoir avancer ensemble sans chercher à être l’ombre, le roi du monde ou alors le premier de la classe. Mais qu’on cherche à faire de notre cinéma, à faire de nos films une force.

 Esbi Media : Votre film KANKAN est un chef-d’œuvre rempli de succès. Suivez mon regard. Qu’est ce qui vous a motive à faire un focus sur cette icône de l’humour nationale et africaine ?

Je ne vais pas m’accaparer  des honneurs parce qu’il faut le dire, et je le dis toujours, l’idée ne vient pas de moi. L’idée vient de Claye Edou. C’est en fin d’année 2021 qu’il me contacte et me dit que l’année 2022 sera le 26 e anniversaire de la disparition de Jean Michel KANKAN. Il faudrait que nous fassions quelque chose. J’ai adoré l’idée et justement je suis un peu choqué parce-que quand j’entends ça, je me rends compte que ça fait 26 ans. Waouh, il est parti mais rien d’honorable n’a été fait en sa mémoire. Rien n’a été fait pour une icône comme Jean Michel KANKAN. Pour moi c’était un Challenge en plus de faire mon premier long métrage, surtout de faire le premier BIOPIC camerounais.   C’était aussi un gros challenge parce que c’était une icône, une légende. Il me devait de faire le meilleur film possible à mon niveau afin de rendre hommage à mon niveau à cette légende. Donc je ne  remercierais jamais assez CLAYE EDOU pour ça. Parce que ça manque énormément.

Esbi Media : La collecte des données destinées à la production de ce film a-t-elle été une simple affaire de puzzle où vous aviez juste eu besoin de rassembler les idées ?

Concernant la collecte des données, ça n’a jamais été facile. Ce n’était pas du tout facile. On a un gros problème de conservation et de localisation de données au Cameroun. Ce qui fait que quand tu veux t’attaquer à un sujet, ce dernier devient un véritable calvaire. Parce que la documentation n’est pas facile. Il faut chercher la famille. On a vraiment galérer pour trouver cette dernière. La collecte d’informations, les amis, les  interviews,… ce n’était pas du tout donné. Il y a beaucoup d’informations aussi qu’on a eu un peu plus tard. Ce n’était pas donné. Je pense qu’on devrait aussi essayer de faire quelque chose au niveau de l’archivage pour rendre l’accès aux informations et à l’histoire plus facile et puis la démocratiser.

Esbi Media : Votre point de vue après le succès retentissant de ce film à ce jour ?

Je suis fière du film pour son petit bout de chemin. J’espère qu’il ne s’arrêtera pas d’aussitôt. Nous avons fait un bon film et je suis très fière. Claye Edou,  Landry et tout le monde qui  a travaillé pour le film, sont aussi fiers de ce chef-d’œuvre. Nous ne pouvons que lui souhaiter bon vent et qu’il continue son petit bout de chemin.

Esbi Media : Vous semblez avoir de l’estime pour les icônes du cinéma. Actuellement, quel est votre modèle parmi les anciens du métier qui sont encore en activité au Cameroun et en Afrique francophone ?

Au Cameroun, je dirai que j’ai beaucoup d’estime pour Cyrille Masso. Si on parle d’anciens, j’aime beaucoup l’audace qu’il a. En Afrique, il y a Jean-Luc Herbulot dont j’apprécie beaucoup le travail aussi.

Esbi Media : Pensez-vous que le cinéma peut véritablement nourrir son homme au Cameroun ?

Oui je le pense. Mais ce n’est pas automatique. Ce n’est pas que tu te lève le matin et tu décides de faire le cinéma et tu t’en sors. Il faut beaucoup de sacrifices, beaucoup d’investissements personnels aussi. Il faut aussi être très malin et savoir choisir ses projets. Je pense que le cinéma peut nourrir son homme. Mais ce n’est pas encore global, ce n’est pas encore général. Il faut beaucoup d’intelligences pour pouvoir vivre du cinéma au Cameroun.

Esbi Media : Aimez-vous regarder des films et séries ? Quel est le genre cinématographique qui vous inspire le plus ?

Je dirais d’abord que j’aime regarder des films et séries. Surtout les films. Je ne suis pas trop série. Mais évidemment, moi j’adore les drames psychologiques et les thrillers. Ce sont mes genres préférés. Il y a par exemple les films de Christophe Nolan, David Fincher.  Les films d’action sont bien. Ils ont souvent un petit truc … Mais ce n’est pas vraiment l’idée. Moi j’aime les films de fictions qui te  challengent, qui te font voyager en terme d’image et de son, les films qui te secouent. Je dirais mes genres préférés sont le thriller et le drame psychologique.

Esbi Media : Donnez-nous en un ou deux exemples de films qui vous passionnent.

J’ai «Interstella» de Christopher NOLAN en premier. Un film de voyage dans l’espace qui a pour thème le pouvoir transcendantale de l’amour. En deuxième position nous avons « Lalalande » de Damien Chazelle qui est un thème sur la passion. Le troisième c’est « Fight Club », qui est un film de David Fincher (Oscar du meilleur réalisateur),qui est un thème de société et sur le capitalisme. Voilà.

Esbi Media : En trois dates, quels sont les évènements qui vous ont marqué dans votre vie de cinéaste

Difficile de dire concrètement les dates qui m’ont marqué dans ma vie de cinéaste. Je ne suis pas très fort en dates. Mais je pense que la première c’est quand je décide de faire le baccalauréat littéraire sur un coup de tête, en 2015, alors que j’ai fait les sciences toute ma vie. Je pense que ça a été un tournant majeur dans ma vie. La deuxième date effectivement c’est quand je fais mon premier long métrage KANKAN, en 2022, qui est un évènement important pour moi dans ma vie et dans ma carrière. Il n’y a que deux dates vraiment dans ma vie de cinéaste que je peux vous dire. Donc 2015 et 2022.

Esbi Media : Pouvez-vous conseiller des jeunes camerounais à se lancer corps et âme dans le cinéma pour contribuer à l’émergence de notre pays ?

Je peux conseiller des jeunes à se lancer dans le cinéma mais pas encore compris et âme malheureusement. Comme j’ai dit plus tôt, il faut être malin. On n’a pas encore la structuration nécessaire pour pouvoir dire qu’on ne va faire que ça, on va s’en sortir. Vous ne pouvez pas vous en sortir pour le moment mais on a besoin de plus de monde, mais on a le plus besoin des personnes qui veulent faire autres choses. Tout le monde veut être acteur et tout le monde veut être réalisateur. C’est un peu dommage parce qu’il y a tout une équipe, toute une armée derrière. Et les gens pensent que ça n’intéresse pas alors qu’on a besoin de beaucoup de monde, on a besoin des gens qui se forment pour faire avancer l’industrie et tout. Par contre, un vrai conseil que je peux donner, c’est surtout à mes frères camerounais parce qu’on se connaît entre nous Camerounais, quand on est passionné, il ne suffit pas de dire je suis passionné, j’aime ça. Quand on est passionné, on se sacrifie à Dieu. Quand on est passionné, on se donne les moyens de bien faire. Quand on est passionné, on ne s’arrête pas dans la médiocrité, on ne s’arrête pas sur quelque chose qui est approximatif. On s’arrange à toujours donner le meilleur qu’on puisse donner. Voilà le conseil que je puisse donner. Et si le suivez, je pense que vous allez très vite vous démarquer. Merci.

Esbi Media : Avez-vous des projets à court et à long terme ?

Évidemment j’ai des projets à court et à long terme. Sinon je vivrai comment ? Là je suis entrain de voir comment je vais produire mon prochain long métrage. S’il plaît à dieu que les choses marchent, je voudrais que d’ici l’année prochaine, on pourra l’avoir. En termes de série, il y a des projets de série à long terme. On va voir comment ça va aboutir et tout. Là je suis en pleine réflexion pour mon prochain long métrage.

Esbi Media : Enfin, quel est votre petit plaisir secret qui vous anime au quotidien ?

Mon petit plaisir qui m’anime au quotidien est la lecture et le café… (Rire)

Esbi Media: Merci M. Akama pour votre hospitalité .

C’est moi qui vous remercie pour l’occasion que vous m’avez offert de m’exprimer. C’était un plaisir. A bientôt .

Entretien mené par Cyrille Ella

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