TÊTE A TÊTE AVEC ALAIN BOMO BOMO

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Il est, par la force de ses interprétations et la quintessence de son talent, surnommé à tort ou à raison le « Denzel Washington camerounais ». Très discret et chrétien endurcit, Alain Bomo Bomo c’est près de 20 ans d’expérience dans le domaine du cinéma et plus d’une trentaine de films à son actif, tant en qualité d’acteur que de producteur. Aujourd’hui, son rêve et sa vision pour le cinéma camerounais sont grands et indétrônables dans son esprit. Il a accepté de répondre à nos questions avec une aisance particulière; le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’a pas sa langue dans la poche.

EsbiMédia: Bonjour Alain Bomo Bomo et merci d’avoir accepté notre invitation.

  • Mais de rien, bonjour.

EsbiMédia: Qu’est-ce qui vous encourage à continuer à faire du cinéma dans un contexte pas toujours propice à l’évolution du cinéaste?

  • Je pense que le contexte est favorable et propice à l’évolution mais juste mal organisé. Le métier d’acteur pour moi représente une seconde nature, tout ce qu’il y’a autour du jeu d’acteurs (la popularité, le relatif argent, etc.) n’est pas plus important que le fait de jouer des rôles. La caméra est pour moi un exutoire, elle me permet de m’exprimer au-delà de ce qui m’est autorisé par la société. Être vedette m’importe moins que faire mon métier.

EsbiMédia: Restons un peu sur l’organisation du cinéma camerounais que vous avez évoqué, quelle lecture faites-vous de l’industrie cinématographique camerounaise?

  • Je ne pense pas qu’il faille parler d’industrie mais plutôt de cinéma indépendant. Lorsqu’on parle d’industrie, on parle de la représentation de tous les corps de métiers liés à la production cinématographique; on parle également de la structuration des métiers et de l’établissement des lois qui régissent le travail qui est fait à l’intérieur de cette industrie. Parler d’industrie c’est enjoliver les choses, nous n’y sommes pas encore tant du côté anglophone que du côté francophone et j’ai le sentiment que plus les années passent, plus le cinéma s’enfonce. Ma lecture est acerbe. Je me souviens que dans les années 90, il y’avait le FODIC, le Fond de Développement à l’Industrie Cinématographique qui venait en aide au cinéma camerounais. Ce qu’on fait au Cameroun c’est pas du cinéma, ce sont des vidéos pour un cinéma indépendant, non structuré, sans politique culturelle, sans vision. C’est un cinéma qui ne sert à rien si ce n’est égayer la galerie. Le constat n’est pas beau; nos thèmes sont épars et ne servent pas toujours la cause globale, le cinéma n’est pas thématique; chacun fait ce qu’il veut pour la course à l’argent ou aux festivals, c’est une cacophonie et c’est déplorable. Le cinéma est un contre pouvoir, une force de proposition qui régit l’image d’un Etat. Le tableau n’est pas noir, les conditions des acteurs et réalisateurs s’améliorent mais il y’a un gros travail à faire dans la structuration du métier du cinéaste. Le cinéma véhicule l’hégémonie culturelle, c’est par lui qu’on atteint les peuples. Vous n’avez qu’à regarder les Etats Unis, la Chine et même le Nigéria voisin.

EsbiMédia: Quelle est la plus grosse difficulté que vous avez rencontré jusqu’ici dans ce domaine?

  • Avoir affaire à des personnes non formées. Aujourd’hui tout le monde peut se lever et décider qu’il est cinéaste au Cameroun; c’est exaspérant. J’ignore si n’importe qui peut entrer dans un hôpital et décider qu’il va soigner des patients sans une formation préalable. Pour faire du cinéma, il faut se former et ne pas le faire c’est extrêmement insultant pour le métier et les professionnels. Cette génération est championne pour ça, vous voyez un producteur qui ne sait pas ce que c’est qu’une production, un réalisateur qui ne sait pas ce que c’est que la réalisation, un acteur qui ne sait ni jouer, ni se déplacer devant une caméra, ne sait pas dire son texte, c’est déplorable. Nous sommes obligés de travailler avec des gens qui ne savent rien du métier; il faut qu’ils comprennent que sans formation, ce qu’on fait c’est du charlatanisme. Se faire former c’est soit aller à l’école, soit apprendre auprès des sommités attitrés du domaine, tu n’as rien fait de tout ça, tu es un charlatan. Certains t’imposent même des acteurs qui n’ont pas encore fait leurs classes simplement parce que c’est lui qui produit (rires), et ces personnes sans formation se comportent souvent très mal avec celles susceptibles de leur apprendre de nouvelles choses; que les amateurs cessent de se prendre pour des professionnels. Il faut une institution forte, qui va réguler le cinéma camerounais.

Esbimédia: La production vous a t-elle toujours intéressée?

  • Bien sûr, mais je pense maintenant me focaliser sur la production de séries parce que c’est plus rentable que le long métrage. Je souhaite faire des films compétitifs, au Cameroun et à l’extérieur. Je souhaite faire des productions à la fois instructives et divertissantes. Dans un futur proche, ça va se faire, par la grâce de Dieu.

EsbiMédia: Quel est votre meilleur souvenir lors d’un tournage?

  • Aïe, j’en ai tellement, j’ai quand même commencé au début des années 2000, donc de bons souvenirs il y’en a beaucoup. Ce que je peux dire c’est qu’il n’y’a rien de plus important que le fou rire sur les plateaux de tournages, quand on se retrouve, il n’y’a pas de stars, il n’y’a personne supérieur à l’autre, c’est une ambiance bonne enfant; parfois nous sommes obligés de changer nos habitudes jusqu’à l’alimentation (rires), le fait de rencontrer de nouvelles personnes est très agréable.

EsbiMédia: Avez-vous déjà refusé un projet?

  • Oui bien sûr, ça m’est arrivé.

EsbiMédia: Pourquoi?

  • Il y’a plusieurs raisons qui font qu’un acteur refuse de jouer dans un film. Parfois c’est juste que le projet ne me dit rien, je lis le scénario et il n’est pas porteur ou le rôle et le film sont plats, parfois le rôle est répétitif, parfois c’est que le projet est mal payé. Dans les années 2006 – 2007, j’ai assisté à un casting, j’ai été retenu. On m’explique ensuite que je dois être couché sur le lit nu, avec le drap posé à la moitié des fesses, un blanc devait sortir de la salle de bain avec une serviette nouée aux hanches et une autre utilisée pour s’essuyer la tête. Ceci faisait donc allusion à une scène érotique et homosexuelle qui venait d’avoir lieu. Pour deux scènes, on m’a proposé 1.500.000 francs CFA. ça m’a fait réfléchir mais j’ai refusé, j’avais peur des aprioris et puis j’allais dire quoi à mes enfants? J’ai refusé, je leur ai expliqué que mon peuple n’est pas prêt à accepter ce genre de choses. Je ne souhaitais pas avoir sur moi l’étiquette d’homosexuel, je préfère qu’on me traite d’homme à femmes mais pas d’homosexuel. Donc voilà un exemple, j’ai refusé un rôle par rapport à un personnage, le Dieu que je sers ne me permettrait pas d’accepter de jouer un rôle pareil.

EsbiMédia: Quelle est votre actualité?

  • Je suis actuellement sur « Science Dans La Cité« , une série qui parle beaucoup d’innovations scientifiques, et nous avons reçu le prix de l’innovation scientifique à Berlin, ceci sur 186 pays dans le monde qui étaient représentés, nous avons été retenu parmi les 20 derniers. Je suis également dans « La Nouvelle Epouse » de Marcelle Kuetche, diffusée sur Life Tv. Bientôt, je vais m’associer aux autres professionnels du métier de cinéaste, afin de créer une organisation capable d’organiser et de structurer le cinéma camerounais. C’est un projet qui me tient vraiment à cœur et Dieu le permettra, j’y arriverai.

EsbiMédia: Merci beaucoup Alain

  • Merci à vous, merci pour l’attention que vous avez choisi de me porter, que Dieu vous bénisse!

Propos recueillis par Almason

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